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SEVRAGE ALCOOL/TABAC : INTERETS ET DIFFICULTES

Dr Sophie ORLHAC, médecin, Centre André REQUET Bron (Rhône).

3 octobre 2003

ENTRE REALITES DE TERRAIN ET IDEES RECUES

Le tabagisme génère une surmortalité chez l’alcoolo dépendent. Hurt et Al dans une étude sur 845 patients admis pour un traitement en relation avec une dépendance alcoolique ou à une autre drogue (autre que la nicotine), ont montré que les maladies liées au tabac représentaient les causes prépondérantes de décès.

 

Dès l’adolescence, les jeunes consommateurs d’alcool, sont plus fréquemment fumeurs.

75 à 95 % des alcoolo-dépendants fument contre 20 à 30% de la population générale et chez le fumeur, le risque relatif de consommation excessive d’alcool est 10 à 30 fois supérieur à celui des non fumeurs.

Lors du mésusage d’alcool, la relation entre l’alcool et le tabac est plus marquée : la prévalence des fumeurs et gros fumeurs est plus élevée, la dépendance à la nicotine est plus forte, l’âge de la première cigarette ainsi que le tabagisme quotidien sont plus précoces.

 

PLUSIEURS HYPOTHESES SUR LES MECANISMES D’ASSOCIATION ENTRE CONSOMMATION D’ALCOOL ET DE TABAC :

Il est probable que l’alcool soit un stimulus déclencheur de l’envie de fumer (la réciproque est moins prouvée). Certains évoquent de véritables séquences comportementales devenant automatiques dès lors qu’elles sont répétées régulièrement.

La consommation d’une des substances entraînerait une augmentation de la tolérance et/ou accentuerait ou prolongerait les effets renforçant de l’autre.

Données contradictoires sur l’induction par l’éthanol du métabolisme de la nicotine.

Capacité du tabac à s’opposer aux effets délétères de l’alcool.

La voie dopaminergique mésolimbique (partie probablement importante du système de récompense) joue un rôle dans le renforcement positif des consommations de tabac, alcool (comme des opiacés, de la cocaïne, des amphétamines). L’activation mésolimbique de l’alcool serait en partie médiée par les récepteurs nicotiniques.

Des facteurs psychologiques, environnementaux et/ou génétiques rendent les personnes vulnérables à la fois à la dépendance alcoolique et tabagique.

Plusieurs études ont montré que les patients alcoolo-dépendants en traitement sont intéressés par un arrêt du tabac pour environ la moitié d’entre eux et la période d’abstinence d’alcool semble être favorable à un sevrage tabagique.

Dans l’étude d’Ellingstad et Al, 77,7% des 94 patients alcoolo dépendants fumeurs en traitement pour leur problème d’alcool envisageaient d’arrêter le tabac durant leur traitement ou après.

Dans l’étude d’Autret et Al portant sur 202 patients admis pour sevrage alcoolique, 59% des patients fumeurs étaient intéressés par une information sur l’arrêt du tabac et 10 patients ont tenté le sevrage au cours de leur séjour.

Dans une étude française, sur 60 fumeurs alcoolo dépendants en cours de traitement pour l’alcool, 37% envisageaient un arrêt de leur tabac plus tard et 7% ont tenté le sevrage conjoint.

Il semble que le sevrage tabagique n’induise pas en soi une augmentation de la consommation d’alcool que ce soit à court et moyen terme (6 mois) ou à long terme (16 ans) dans la population générale.

Lors du mésusage d’alcool, aucune étude n’a montré d’évolution plus péjorative à plus ou moins long terme de l’alcoolisation après sevrage tabagique, que celui-ci ait lieu à distance du sevrage alcoolique, pendant ou à son décours immédiat.

Au contraire, il semble que les alcoolo dépendants qui ont cessé de fumer avant leur sevrage alcoolique ou pendant ont un meilleur pronostic alcoologique que ceux poursuivant leur intoxication.

Dans une étude, Aubin et Al retrouvaient parmi les 76% de fumeurs (sur 80 patients alcoolo dépendants hospitalisés pour sevrage alcoolique), que si les petits fumeurs (moins de 30 cigarettes) augmentaient le nombre de cigarettes et que les gros fumeurs baissaient le nombre de cigarettes, par contre dans les deux groupes la cotininurie restait stable ce qui allait dans le sens d’une simple modification de la manière de fumer. L’évolution de la consommation de tabac après sevrage d’alcool semble plus résulter de modifications comportementales que de variations des besoins en nicotine.

Certains patients doivent fumer pour moins boire et pour d’autres, au contraire, l’arrêt de la consommation de tabac favorise l’abstinence d’alcool.

L’abstinence prolongée d’alcool semble constituer une période plus favorable à la diminution ou à l’arrêt de la consommation de tabac qu’à son augmentation.

La consommation d’alcool induit une augmentation du nombre de cigarettes fumées et une intensification de la « fume » aussi bien chez le buveur modéré que chez l’alcoolique. Ce phénomène persiste également si les séances d’alcoolisation et de « fume » sont dissociées, ce qui n’est pas en faveur d’un simple phénomène de conditionnement.

La rechute alcoolique s’accompagne très souvent d’une rechute tabagique et non pas l’inverse.

Peu d’études (étude expérimentale chez le rat avec diffuseurs de nicotine : consommation d’alcool multipliée par 2).

DIFFICULTES

RECOMMANDATIONS ET INCERTITUDES

Mais la conférence de consensus sur les indications et les modalités de sevrage du 17 mars 1999, recommande de proposer un sevrage tabagique dès que la motivation des patients le permet.

Identification des bénéfices à fumer, des inconvénients à fumer, des freins à l’arrêt, informer si besoin, renforcer la confiance en soi du patient…

Aider le patient à préciser chez lui le lien entre l’alcool et le tabac.

BUPROPION à utiliser à distance du sevrage alcoolique, compte tenu des risques convulsifs.

CONCLUSION

Les alcoologues ont une position privilégiée dans l’accompagnement des fumeurs du fait de leur connaissance sur les conduites addictives mais aussi parce que comme l’écrit C. Gillet : «  du fait des complications comportementales, socio-familiales et professionnelles engendrées par l’alcoolo dépendance, le recours aux soins alcoologiques s’effectue dans la majorité des cas avant 50 ans et généralement avant la survenue de pathologies carcinologiques du tabagisme ou de l’intoxication éthylo-tabagique. Aussi, encourager et aider les alcooliques à cesser de fumer concourt à limiter la survenue des complications somatiques tabagiques ou d’origine mixte et donc à diminuer le mortalité, même si le bénéfice est vraisemblablement moindre que dans la population non alcoolique ».

 

 

 

 

 

Mise à jour le Mercredi, 07 Décembre 2011 16:37