La prise en charge de la problématique alcoolique : Intervention et discussion avec Michèle Monjauze, Psychologue Clinicienne, spécialiste de la pathologie alcoolique.
Autisme et alcool :
Catherine Delachenal, Psychiatre au CH Le Vinatier
Je suis Psychiatre Praticien Hospitalier au Centre Hospitalier Le Vinatier, travaillant avec des enfants autistes, et Médecin addictologue à temps partiel à C2A (Centre de Soins en Addictologies).
Si j'ai choisi d'essayer de comparer l'autisme et l'alcoolisme, c'est que j'ai été interpellée par Michèle Monjauze dans son livre "La problématique alcoolique" où elle traite de cette question.
Je donnerai tout d'abord la définition de l'autisme. Puis j'essaierai de comparer en quoi l'alcoolique peut faire penser à l'autiste par rapport à ses angoisses, ses défenses et ses relations d'objet.
L'autisme
Cette pathologie qui est une psychose précoce faisant partie des troubles envahissants du développement concerne environ 5 enfants sur 10 000 dont 2 garçons pour une fille.
Il existe des troubles majeurs des relations interpersonnelles et des relations sociales : l'enfant est en retrait, il évite le contact. Il n'a pas d'intérêt pour les personnes. Il ne s'intéresse qu'aux objets et en général des objets durs. Il présente la même attitude qu'il soit devant de l'animé ou de l'inanimé.
On trouve donc des troubles majeurs de la communication avec le plus souvent absence de langage verbal, un langage écholalique avec un mimétisme de surface, des gestes bizarres avec des stéréotypies répétitives. Il existe des comportements répétitifs souvent des bras et des mains, des balancements. Ces gestes s'accompagnant parfois d'automutilations.
Il y a absence de jeu, absence de tout phénomène transitionnel.
Cette pathologie s'accompagne aussi d'une exigence tyrannique d'immuabilité.
On a aussi des troubles cognitifs graves avec retard mental.
Regardons ce qu'il se passe quand il y a ivresse
En préambule, je citerai Michèle Monjauze qui dans son livre "La problématique alcoolique" parle de l'insaisissable concept d'alcoolique. Elle soutient l'idée qu'il n'y a pas un alcoolique mais des alcooliques.
On retrouve aussi cette notion dans l'autisme où je dirais qu'il n'y a pas un autiste mais des autistes.
Quand il y a ivresse, on retrouve des troubles de la communication avec des relations qui sont dans le trop près ou le trop loin.
L'intérêt de l'alcoolique sera tourné vers l'objet alcool, vers l'objet dur que représente le verre.
On note aussi des phénomènes d'écholalie, des rituels, de la tyrannie.
En revanche, il n'existe pas de troubles cognitifs de type retard mental mais le raisonnement est rendu impossible par l'ivresse.
Dans les deux cas, on a des défaillances sur toutes les fonctions autour du partage émotionnel comme l'attention conjointe ou l'imitation.
Un de mes patients n'a pu gérer son émotion lorsqu'il a aperçu sa soeur par hasard alors qu'ils ne s'étaient pas vus depuis 7 ans. Il a "replongé" dans une ivresse massive.
Les angoisses
Dans les 2 cas, on a des angoisses d'annihilation, de non-existence, pires que l'angoisse de mort.
Ce sont des angoisses de liquéfaction, de chute sans fin.
Ce sont des angoisses primitives d'anéantissement comme le souligne Mélanie Klein ou d'agonies primitives selon Winnicott.
Il y a perte de la collusion psychosomatique.
Et si l'on se réfère à Frances Tustin qui a beaucoup travaillé avec des autistes, elle parle d'angoisses de non existence, de liquéfaction, de vidage.
Les défenses
Chez l'alcoolique, il y a "le boire" pour se remplir, pour combler un vide sans fond.
Il y a le retrait, la fuite.
Du point de vue psychanalytique, ce sont des mesures de défense contre des angoisses catastrophiques.
Les autistes se défendent contre ces angoisses catastrophiques principalement par deux mécanismes :
L'aggripement adhésif ou identification adhésive,
Le démantèlement.
Revenons sur ces deux notions :
L'aggripement adhésif :
Consiste à se coller à une sensation. Le monde autistique est un monde de sensation. Ainsi un autiste regardera pendant des heures une lumière qui brille devant ses yeux ce qui lui donne un pseudo sentiment d'existence. Les autistes sont d'ailleurs souvent attirés par le reflet des lunettes.
On retrouve d'ailleurs cette identification adhésive chez l'enfant normal mais celle-ci ne sera que passagère. Ainsi, un enfant examiné chez le pédiatre, déshabillé, paniqué, va fixer une lumière. Il sera psychiquement absent pour lutter contre l'angoisse déclenchée par cette situation. Quand il est collé à cette sensation, il est en survie et pourtant absent du monde.
Le démantèlement :
Cela veut dire dissocier une perception en ses différentes composantes sensorielles.
Normalement, pour percevoir un objet, on rassemble ses différentes sensorialités. Je vois, j'entends, je touche. Il y a consensualité.
L'autiste va coller à l'une d'elles et l'objet sera aplati sur une de ces composantes sensorielles.
L'alcoolique recherche des sensations dans l'ivresse qui lui permettront à la fois de fuir la réalité et de se sentir exister.
On note que, pour les autistes et les alcooliques, il y a des défaillances autour du partage émotionnel.
Relations d'objet
Quand on parle de relations d'objet, on évoque le type de relations que peuvent avoir aussi bien les autistes que les alcooliques.
L'autiste est dans un état d'indifférenciation avec l'autre. Il ne sait pas ce qui fait partie de lui et partie de l'autre. Souvent, un autiste va vous prendre la main pour faire un geste comme si votre bras était un prolongement de son corps.
On retrouve cet état d'indifférenciation chez l'alcoolique.
Je passe la parole à Michèle Monjauze.