dépendance au cannabis : DÉPISTAGE ET PRISE EN CHARGE PRÉCoce
Dr Max Basanisi, Addictologue, Clinique KORIAN Le Haut Lignon
Les effets psychoactifs du cannabis
•Liés à la présence de THC.
•Le THC, très lipophile, diffuse rapidement dans les tissus
•Il est éliminé :
-en 8 jours pour une prise unique
-en 3 ou 4 semaines pour une consommation régulière
•Cette notion est une complication supplémentaire pour la PEC en ambulatoire
Effets aigus
•Modifications thymiques plutôt à type d’exaltation avec rires immotivés mais parfois véritable anxiété aigue de type attaque de panique (Bad trip ), voire idées dépressives
•Perturbations cognitives avec atteinte de la mémoire de fixation, des distorsions perceptuelles, des troubles du cours de la pensée
•Changement de vécu corporel, sensation de planer, déconnexion de la réalité
•A l’extrême et sur de grosses quantités véritable expérience psychotique avec des éléments délirants, hallucinatoires ou maniaques
La dépendance
Longtemps nous avons admis que le cannabis n’entrainait qu’une tolérance
En fait la dépendance est réelle pour au moins 15 % des consommateurs
Il a fallu attendre la fin des années 70 pour mettre en évidence le manque au cannabis
Par ailleurs on a mis en évidence un lien avec les pathologies psy et notamment la schizophrénie
Sans doute en lien avec la découverte des cannabinoïdes endogènes et leur actions sur les circuits de transmission dopaminergique
Signes de manque
•Irritabilité, agitation, insomnie, anorexie, dysphorie,
•Des signes neurovégétatifs tels que :
- des modifications du rythme cardiaque
- des variations tensionnelles,
- une sudation et des diarrhées
Toxicité sur le snc
•En dehors de l’ivresse cannabique aigue on note dans la consommation chronique :
- Des états psychotiques induits et réversibles
- De durée limitée de quelques jours jusqu'à 2 à 3 mois,
- Associant des hallucinations visuelles, des thèmes délirants polymorphes, des troubles du jugement et du comportement, voire une hétéro agressivité
- Un syndrome amotivationnel qui associe un déficit de l'activité, une baisse de l'efficience et des investissements sociaux, et un ralentissement psychique, il est aujourd'hui surtout considéré comme un état d'imprégnation chronique plus qu’une entité à part entière ….
Sans oublier les fameux risques psychotiques …… En Fait
•Le cannabis est un facteur de risque indépendant de l'apparition d'une psychose
•Le risque psychotique est proportionnel à la précocité de la consommation cannabique
•La consommation cannabique est un facteur d'aggravation des troubles psychiatriques, mais n'est ni nécessaire ni suffisante pour provoquer l'apparition d'une schizophrénie …
Au FINal le cannabis
•Est un psychotrope à part entière
•Il peut induire une dépendance réelle répondant aux critères du DSM V
•De fait il nécessite un dépistage précoce des consommations à risque et une PEC spécifique si nécessaire …
En pratique et en dehors des lieux spécialisés
•La consommation étant de plus en plus importante il est pratiquement impossible de ne pas rencontrer un consommateur de cannabis notamment parmi les jeunes dans son entourage amical ou professionnel
•Le frein principal à une PEC efficace est souvent nos propres croyances aussi bien dans le sens de la banalisation que dans celui de la dramatisation
•En fait l’enjeu est l’évaluation des risques à court et long terme …..
Souvent nous sommes confrontés
•A l’inquiétude des parents concernant le comportement de leurs enfants ou adolescents
•A la difficulté parfois de se positionner en tant que professionnel et non pas seulement en tant qu’adulte
•A un dialogue toujours difficile avec des ados qui ne nous reconnaissent pas comme pertinent en tant que professionnels
•Aux croyances du consommateur banalisant par définition son rapport au produit ….
Il faudrait idéalement
•Résister au jeu des alliances et des identifications avec les adultes parentaux
•Que notre légitimité et celle de notre discours tiennent dans ce que nous avons appris sur les effets du produit, et non dans l'ascendant que nous aurions de fait en qualité d'adulte et/ou de soignant
•Eviter de poser comme préalable à la rencontre, la question de l'abstinence qui n'est pas d'emblée un objectif systématique, même si elle peut en être le résultat ……
évaluation de la consommation
•Elle nécessite la participation active du sujet pour lui faire prendre conscience des conséquences et du niveau de dépendance
•A l’issu de celle-ci on devrait pouvoir répondre à ces questions :
- Quel est le produit utilisé pour la prise de cannabis : herbe, shit... ?
- Quels sont les effets positifs et négatifs ? avec une attention particulière pour les troubles mnésiques et les difficultés de concentration ayant des conséquences sur les apprentissages
- La consommation est-elle solitaire, uniquement avec certains copains ou en groupe indifférencié ?
- L'usager consomme t-il d'autres substances psychoactives et le cas échéant, pourquoi le fait-il ?.
- Le rythme est-il quotidien, hebdomadaire ou très occasionnel ?
- L'usager régulier a-t-il déjà ressenti des signes de sevrage ou perdu le contrôle de ses consommations ?
Ces signes constituent de véritables signaux d'alerte de l'installation d'une dépendance…
Identifier les sujets a risque psychiatrique
•Si déjà diagnostiqué auparavant c’est plus facile
•Sinon rechercher :
- une tendance au repli sur soi avec une grande pauvreté des rapports sociaux et amicaux, •
- des bizarreries comportementales et idéiques,
- une tendance prononcée pour le maniement de concepts abstraits,
- l'évocation d'expériences délirantes ou hallucinatoires antérieures ……
Conduite a tenir
•Consommation occasionnelle (moins de 10 fois par an)
- Informer des risques connus et principalement ceux de l'intoxication aiguë.
•Signes d'alertes de l'installation d'une dépendance
- Soit proposition d'un sevrage ambulatoire (rapide ou progressif) avec prescription possible d'anxiolytiques non benzodiazépîniques, évaluation médicale hebdomadaire et confirmation de l'absence de cannabis dans les urines après trois semaines d'abstinence,
- Soit orientation vers un centre spécialisé de traitement des dépendances.
•Consommation régulière sans signes de dépendance et pas de vulnérabilité psychiatrique évidente
- Informer des risques éventuels et prendre date pour une nouvelle évaluation dans 6 à 12 mois
- Proposer éventuellement un test d’abstinence de trois mois
•Consommation régulière et vulnérabilité psychiatrique avec ou sans signe de dépendance
- Orientation sur un professionnel en santé mentale en signalant le problème de l'usage de cannabis.