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L’EVALUATION A L’EPREUVE DE LA REALITE ALCOOLOGIQUE

Docteur Henri GOMEZ (Unité d’alcoologie AREA, Clinique du Parc, Toulouse)
février 2005


L’état de l’organisation du soin alcoologique illustre, au niveau de la société, la puissance du phénomène du déni. L’image du mobile de Calder, employée pour faire comprendre l’inertie des représentations psychiques des alcooliques et de leur environnement relationnel, s’applique aussi bien au soin alcoologique. Il n’est pire sourd, dit-on, que celui qui ne veut pas entendre. La vérité de ce proverbe ne justifie pas pour autant de se taire. Une des difficultés réside dans le choix du langage. Ainsi, un discours d’évaluation a-t-il plus de chance de convaincre que le bon sens mis en actes ?
En Octobre 2004, nous avons remis à la Sécurité sociale un rapport intitulé :

« Aider les personnes en difficulté avec l’alcool » en remodelant l’offre de soin en pratique libérale.
Evaluation  à un an d’une méthodologie appliquée à une cohorte de 200 patients ».


C’est ce travail, qui sera examiné en mars 2005 par une instance de l’URCAM de Midi-Pyrénées, que nous voudrions présenter et commenter.

I - Le bien-fondé de l’évaluation en alcoologie

1.  N’est-il pas ridicule de prétendre évaluer une pratique alcoologique ?

Talleyrand avait demandé à son entourage de ne pas le faire rire lors d’une célébration de messe comme évêque. Il n’est pas interdit de sourire face à la fièvre évaluative qui secoue les superstructures médicales.  
Voici les raisons qui auraient dû dissuader de mener un travail animé par une telle prétention.
Est-il sérieux d’être juge et partie ? La plus scrupuleuse des honnêtetés intellectuelles ne peut-elle être influencée par la passion de convaincre ?
Comment concevoir une évaluation en dehors de la comparaison ? Qui a jamais évalué l’efficacité des méthodologies et des institutions existantes concernant la population alcoolique ?   
Sommes-nous seulement d’accord sur l’objet de l’étude ? Nous réservons nos protocoles aux personnes dont la façon de boire est devenue indiscutablement préjudiciable. Elles boivent pour les effets de l’alcool, d’une manière régulière ou compulsive et, le plus souvent, ne contrôlent pas, soit qu’elles recherchent l’excès, soit que le phénomène de dépendance s’impose à elles.  Ce sont les critères de sélection que nous avons retenus. Sont-ils les mêmes pour les autres prescripteurs de prise en charge ?

Connaissant la complexité de la problématique alcoolique, qui associe une proportion infiniment variée de situations biologiques, psychodynamiques, psychiques, psychopathologiques, psychiatriques, familiales, événementielles, sociales, intellectuelles et culturelles, quels critères choisir alors même que les facteurs examinés peuvent aussi bien s’influencer en boucle, à l’image de la poule et de l’œuf ?
Est-il raisonnable, à des fins de publication, de ne retenir que le critère de l’abstinence, sans se soucier de sa nature : abstinence de nécessité, rapportée à un objectif ponctuel, abstinence plus ou moins contrainte, abstinence ouverte sur un travail sur soi ? N’existe-t-il pas une différence entre le moins boire d’un sujet qui s’investit dans la relation thérapeutique pour prendre la mesure de ses problèmes et le moins boire de celui qui vise à gérer sa dépendance ? Une abstinence durable, adoptée pour maintenir en l’état ses dysfonctionnements psychiques et ses emprises relationnelles, est-elle en soi un bon résultat ?
Sachant que la problématique alcoolique est l’affaire de la vie entière, qu’un seul verre peut réduire à néant les progrès réalisés par les investissements de plusieurs années, quel crédit reconnaître à une étude portant sur un délai limité ?
Quels espoirs accorder à une étude qui sera examinée soit par des autorités dépourvues de l’expérience du terrain, soit par des représentants du système que nous estimons indispensables de réformer ? A-t-on jamais vu un pouvoir, quel qu’il soit, accepter d’être mis en cause et mis à mal par un « empêcheur de tourner en rond », alors qu’il peut, sans effort, l’ignorer, le museler, le contenir, le dénaturer, à défaut de le détruire ? N’est-il pas illusoire de gaspiller son temps et son énergie ?
La précarité de notre situation nous a conduit à effectuer un travail d’évaluation à partir d’un effectif soignant réduit à un alcoologue et à une psychologue, avec des moyens financiers et matériels indignes des objectifs. Cet argument pourrait servir d’excuse ou de justification à des institutions qui réclament sans cesse des moyens pour justifier la médiocrité de leurs résultats. Nous pourrions proposer à nos futurs détracteurs une interprétation paradoxale, un tantinet perverse mais déjà entendue, avançant que :
-    la fragilité rend créatif,
-    l’instinct de conservation est plus performant que la routine d’une institution nantie,
-    les résultats présentés doivent beaucoup au talent, concédé, telle la flèche du Sparte, au promoteur.

2.  Les raisons de notre étude

Nous avons proposé cette étude en désespoir de cause, en faisant l’effort d’adopter un langage familier aux décideurs, sans pour autant faire croire que nous livrions un travail scientifique ni masquer la difficulté d’interprétation des résultats avancés.
Nous étions curieux de tester le principe de l’évaluation. Nous escomptions ramener des renseignements objectifs et nous acceptions d’être interpellés par ce qui ressortirait de cette étude auto-évaluative.
Il nous semble que l’évaluation sur dossier gagnerait à être prolongée par une évaluation sur le terrain. Hélas, un médecin conseil ou un expert mandaté n’ont pas à superviser le travail réalisé lors d’hospitalisations ou de réunions de groupe pour une activité qui reste implicite.
Nous avons écarté deux attitudes symétriques : critiquer sans proposer, proposer sans critiquer. Nous savions que l’étude nous donnerait l’occasion de présenter notre méthodologie et nos propositions en matière de réorganisation de l’offre alcoolique. On ne risque jamais autant de mépriser les opinions des autres qu’en taisant les siennes. Les opinions dépendent de la position occupée. Nous respectons et estimons les autres acteurs du champ alcoologique. Nous ne saurions cependant être indifférents à l’inadéquation de l’aide justifiée par les personnes en difficulté avec l’alcool : les alcooliques mais aussi leurs proches et leurs soignants.

II - Les résultats de l’étude

Dans le cadre de cet article, nous nous limiterons à présenter trois critères susceptibles d’être utilisés. Les résultats communiqués reposent sur une étude cas par cas approfondie. Il n’est pas fait mention des sous-groupes dégagés par addition de score pour les trois critères retenus alors qu’ils permettent d’intéressantes observations sur les ressorts propres aux différents résultats obtenus.

1.    La cohorte prise en charge

De février 2002 à février 2003, près de 400 personnes en difficulté avec l’alcool ont été reçues en consultation d’alcoologie clinique. 200 ont été admises en protocole, à partir d’un entretien préalable, sur la base d’un accord contractuel, 180 ont bénéficié d’un stage hospitalier de 8 jours, 20 ont eu une prise en charge d’emblée ambulatoire. 90% des patients accueillis sont à une demi-heure de distance de leur lieu de vie et de travail. Dans cette cohorte, les femmes représentent 45% de l’effectif. Les ¾ de ceux qui acceptent une proposition d’aide structurée ont un âge compris entre 30 et 50 ans.
Ceux qui n’en bénéficient pas sont :
-  des alcooliques qui ne sont pas prêts à accepter notre offre ou qui l’accepteraient uniquement pour des raisons circonstancielles (exemple : permis de conduire à récupérer),
-   des polytoxicomanes alcooliques dont les autres addictions représentent une contre-indication à une aide alcoologique (exemple : polytoxicomane auto-injecteur de Subutex*),
-    des malades psychiatriques caractérisés et non stabilisés,
-    des jeunes ou des moins jeunes qui ont seulement une relation problématique à l’alcool,
-    des alcoolo-dépendants qui peuvent être suivis sans inconvénient par leur généraliste par le biais du suivi d’une alcoolopathie.
Les bacheliers représentent 1/3 de la population prise en charge, ce qui ne prouve plus grand-chose de nos jours.
Du point de vue sociologique, plusieurs notions se dégagent.
La faiblesse de la représentation étudiante s’explique par le fait que les jeunes rencontrés appartiennent, pour encore quelques années, à la culture de la « fête ».
Près de 30% de la population sont sur la touche, la moitié à cause de l’alcool et, plus encore, de la toxicomanie antérieure ou associée, l’autre moitié étant marginalisée avant l’alcool par sa situation économique, familiale et/ou sociale.
Les 70% restant sont l’exact reflet des groupes en activité dans l’agglomération.
Les médecins généralistes et les psychiatres nous adressent respectivement 40% et 10% de l’effectif.
40% des sujets buvaient dès le matin et 35% avaient des signes de dépendance physique clinique.
Il s’agit d’une première démarche dans 50% des cas. 10% ont dépassé 4 hospitalisations au moment où nous nous en occupons.
Les tabagiques actifs représentent 75% au moment du soin. 5% se sont arrêtés de fumer avant. Le relevé des patients suivis de longue date montre que 50% cessent de fumer dans les 3 à 5 ans qui suivent l’arrêt de l’alcool. Les produits pris pour obtenir une modification de l’état de conscience (cannabis, drogues dures, médicaments psychotropes) correspondent à 30%. La « travaillomanie » et l’addiction au sport se situent à 25%. La relation pathologique à l’argent dépasse 15%. Les autres compulsions confondues atteignent 25%. Dans les antécédents, les épisodes de boulimie ne sont pas négligeables tout comme les conduites à risque et les actes auto-agressifs.

2.    Les trois critères d’évaluation retenus et les résultats à un an

Nous avons choisi de retenir trois critères en proposant des cotations de 0 à 4 + d’appréciation simple. Il s’agit de la relation à l’alcool, de la vie relationnelle et du fonctionnement psychique.

2.1.     Le rapport à l’alcool
-    Abstinence totale maintenue :                                   44%
-    Difficultés surmontées :                                             15%
-    Diminution significative et durable de la consommation :  20%
-    Absence d’amélioration.                                              21%
La consommation réduite, plus ou moins contrôlée, est une réalité dont chacun sait la fragilité à terme. Le maintien de la relation entre le sujet et le cadre du soin est une donnée essentielle pour atténuer les impacts de l’absence de travail psychique et d’une reprise d’alcool.

2.2.    La vie relationnelle
Nous avons retenu comme critères : la compliance au soin, les progrès dans la vie familiale et dans la vie sociale.
-    Très bons résultats pour les trois critères :        11  %
-    Bon résultat (changement significatif pour deux critères) : 30,5%
-    Changement pour un critère :                                        36,5%
-    Absence de changement ou aggravation :                        22  %

Le maintien du lien thérapeutique contre vents et marées est une source de profonde satisfaction en ce qu’il préserve l’avenir.
Le critère familial évolue favorablement quand les proches sont prêts et aidés à accueillir les changements apportés par l’interruption de l’alcoolisation ou même par l’effort d’abstinence.
Le critère social dépend avant tout des caractéristiques professionnelles.

2.3.    Le fonctionnement psychique
1. Amélioration spectaculaire et significative :               8,5%
2. Bon contrôle du fonctionnement psychique :          34%
3. Fragilité persistante du fonctionnement psychique :  24%
4. Mauvais fonctionnement psychique :                       33,5%
Une année de suivi donne au mieux la possibilité de contrôler le fonctionnement psychique.
Les améliorations spectaculaires correspondent le plus souvent à des personnes qui avaient déjà effectué un travail sur elles-mêmes, à qui manquait le « presque rien » de la prise de conscience de la relation à l’alcool.
Plusieurs années sont nécessaires pour qu’une transformation profonde s’opère. Ces changements peuvent se nourrir à plusieurs sources psychothérapiques.
Il faut non désespérer mais patienter face à des états bipolaires, des organisations limite graves ou des structures psychiques proches de la psychose. Le non boire peut être intégré comme une protection fondamentale.
Les régulateurs d’humeur sont les médicaments les plus utiles, avant même les anti-dépresseurs. La moitié des patients au moins peut se passer de ces classes de médicaments.
La diversité et la réalité psychopathologiques sont des évidences. Moins de 10% des personnes alcooliques sont dépourvues de traits psychopathologiques significatifs. Cependant, un statut psychique qui justifierait une prise en charge à durée indéfinie et exclusive par l’institution psychiatrique n’est fondé, hors alcool, que dans moins de 5% des cas…

III - Méthodologie

(En italique, ce qui devrait exister si la filière de soin existait réellement.)

1.     Travail préparatoire à l’action alcoologique

Assuré principalement par :
-    des médecins généralistes, utilisateurs ou référents du dispositif,  informés de la problématique alcoolique et formés à la relation avec les acteurs du système-alcool : le buveur, les malades du « voir boire »,
-    des proches, au moyen d’une information spécialisée préalable sur la problématique alcoolique et une mise en garde des principaux

-    pièges et paradoxes relationnels,
-    des psychothérapeutes, en permettant un travail psychique,
-    d’anciens buveurs, en atténuant honte et culpabilité, en fournissant un espoir.

2.   Entretien préalable (avec l’alcoologue)

•    Précisant :
-    les circonstances de la consultation : mise en demeure, désir de l’autre, mise en jeu de l’instinct de survie, démarche délibérée,
-    le statut addictif du consultant,
-    la nature de sa relation à l’alcool,
-    l’état de santé physique (les pathologies associées) et les antécédents somatiques,
-    le profil psychique et la compliance à un soin structuré : présentation dominante (anxieuse, dépressive, troubles évocateurs d’une organisation limite caractérisée, état bipolaire), capacités cognitives, clivage (dénégation, faux-self), pathologie narcissique, immaturité ; notion d’un suivi psychothérapique antérieur ;
-    son « capital de ressources » : logement, niveau de protection sociale, niveau de scolarité, état des relations familiales et affectives, niveau d’autonomie financière, curiosité intellectuelle, aptitudes créatrices.

•    Visant à une proposition de soin cohérente avec l’état de la demande :
-    décision différée, avec possibilité de réflexion, d’informations
-    complémentaires (document, livre, invitation à un groupe),
-    stage avec date prévisionnelle,
-    si prise en charge d’emblée ambulatoire, définition d’un contrat minimal,
-    proposition d’une autre structure, comme temps préalable à un stage ou comme alternative d’hospitalisation plus longue.

3.    Le stage (hospitalisation d’un samedi à l’autre)

•      4 patients au maximum, ayant fait l’objet d’un coaching de « synergie »,
•      stage actif, d’un bout à l’autre de la semaine,
•      Plusieurs objectifs par le moyen des dialogues, de l’audio-visuel et des réunions thématiques :
1)    réaliser, achever ou tirer avantage du sevrage conseillé, protégé, amorcé ou réalisé en ambulatoire,
2)    découvrir l’histoire personnelle et familiale du sujet,
3)    avoir une meilleure idée de sa personnalité et de ses ressources,
4)    le faire progresser dans la connaissance de la problématique alcoolique, avant, pendant et après l’alcool,
5)    le convaincre du bien fondé d’un investissement durable et d’un accompagnement adapté à ses besoins, lui faire découvrir le collectif de l’association et entrevoir les ressources du travail groupal, l’ouvrir à l’intérêt d’un travail sur soi et, plus généralement, d’un travail psychique,
6)    Prendre en compte les questions et les difficultés des proches.
•    L’activité de sophrologie est assurée par le cadre associatif. D’autres activités visant à améliorer la confiance en soi et la communication pourraient être également mises  en place par l’association, avec des crédits adéquats.
Les prises en charge d’emblée ambulatoires visent à fournir, de manière plus étalée, ce qui est donné de façon concentrée au cours de la semaine de stage. Elles prennent toute leur signification si le sujet participe au travail du groupe.

4.    L’accompagnement

•    Il repose fondamentalement sur un suivi mensuel avec l’alcoologue et sur une participation régulière aux réunions thématiques bihebdomadaires.
•   En l’absence d’envie ou de possibilité de travail groupal, l’alcoologue peut être remplacé par le médecin généraliste, par le psychiatre ou le psychothérapeute déjà en lien.
•    En l’absence de capacité à assister aux réunions, les comptes rendus et le service internet suppléent, pour partie, l’absence de travail collectif.
•    En cas de besoin de psychothérapie individuelle complémentaire, analytique ou autre, des références sont proposées.
•    L’attachement au cadre est essentiel pour pallier, autant que faire se peut, les conséquences des réalcoolisations. Il est conforté par l’adhésion à l’association.
•    L’association, en liaison avec les soignants, contribue à diminuer le nombre des perdus de vue.

5.   Le groupe, pièce maîtresse de l’accompagnement

Nos groupes assurent chaque année 4000 à 4500 présences aux réunions : trihebdomadaires pour les personnes alcooliques, mensuelles pour leurs familiers.
Deux réunions thématiques ont lieu chaque semaine sous la responsabilité directe de l’alcoologue qui choisit les thèmes, les présente par écrit, anime la réunion et assure la version finale du compte rendu qui résulte de la transcription des interventions par un « scribe », psychologue clinicien, ou membre qualifié de l’association. Les thèmes, transmis aux adhérents disposant d’une adresse mail, sont préparés avec les stagiaires le matin de la séance, discutés avec eux le lendemain. Leur contenu couvre tous les champs mobilisés par la problématique alcoolique, utilisant plusieurs grilles de connaissances : cognitivo-comportementales, analytiques, systémiques et culturelles. L’ensemble des comptes rendus est réuni dans les mensuels de l’association.
Il existe un groupe, dit « groupe des égaux », qui se réunit chaque semaine en fin de stage sous la responsabilité de l’association. Il est prévu pour les personnes en stage et pour les candidats au stage.
Le groupe de parole des familiers, sous la responsabilité d’un psychothérapeute systémique, peut donner l’envie d’une psychothérapie  individuelle à des proches concernés par une problématique de co-dépendance. Il peut entendre les doléances des enfants, orienter ceux-ci si besoin vers des pédo-psychiatres, et faciliter des dialogues ultérieurs entre le buveur et sa famille.

IV - Un dispositif de soin en alcoologie libérale

(En italique, ce qui devrait exister si l’unité d’alcoologie existait réellement.)

1)    Des médecins généralistes utilisateurs ou référents

-   Un médecin utilisateur du dispositif doit avoir bénéficié d’une formation rétribuée et courte sur deux journées, pour mieux se positionner dans la relation alcoologique et pour connaître le dispositif et les grandes lignes de la problématique alcoolique.
-    Un médecin référent devrait être titulaire d’une formation qualifiante en alcoologie et en addictologie, à partir de sessions de 48 heures réparties sur une année universitaire, avec stages pratiques externes d’initiation au travail groupal. Il serait autorisé à bénéficier d’une rétribution particulière pour les réunions qu’il animerait et pour les consultations de suivi. Il serait incité à recevoir, par une cotisation appropriée, les comptes rendus du travail groupal.

2)    Deux alcoologues cliniciens de ville

-    Un alcoologue clinicien doit bénéficier d’une formation qualifiante en alcoologie et en addictologie, en psychothérapie, en thérapie de groupe, donnant droit à des rétributions particulières pour ses consultations, le travail groupal qu’il anime, les tâches d’organisation qu’il assure au sein du dispositif. La formation pourrait s’étendre sur deux ans sur la base d’UV théoriques et d’UV pratiques.
-    Deux alcoologues sont nécessaires pour assurer la continuité de
l’action alcoologique, tout au long de l’année. Ils assureraient en alternance la responsabilité des stages et du travail groupal lié à chaque stage. Ils participeraient au travail d’organisation conjointement avec l’association.

3)    Une unité d’alcoologie au sein d’un établissement polyvalent

-    L’unité d’alcoologie repose sur l’existence de deux modules constitués, chacun, par un alcoologue et un psychologue clinicien, avec le concours d’un psychothérapeute systémicien. Un des alcoologues est directeur de l’unité. Les psychologues cliniciens sont vacataires. Ils peuvent suivre à titre libéral les patients qui en font la demande.
-    Les objectifs, le cahier des charges et les moyens sont définis par un contrat annuel renouvelable, entre les Pouvoirs publics, l’établissement d’accueil et l’unité d’alcoologie.

4)    Une association de bénévoles

-    L’association est constituée à partir des personnes tirant avantage de leur présence active. Le bénévolat est la règle.
-     Elle exerce des fonctions irremplaçables :

  • dans les temps du soin, par ses « visiteurs »,
  • de l’accompagnement, par les responsables qui forment son conseil d’administration,
  • de l’organisation de l’activité, par son bureau.
  • Elle participe, par ses permanences téléphoniques, à la continuité du soin.

-     Elle est associée aux actions d’information et de formation et à l’élaboration de documents écrits et audio-visuels propres à l’unité. Elle offre un cadre à la recherche clinique appliquée.
-    La gestion financière de l’unité d’alcoologie est assurée par l’association qui remet un rapport d’activité annuel aux pouvoirs publics et à l’établissement.
-    L’association peut bénéficier de financements complémentaires des ressources dégagées par le contrat d’objectifs et de moyens.

5)    Un partenariat diversifié, justifiant la création d’une filière médicale et d’un réseau ville – hôpital
-     L’unité d’alcoologie a la responsabilité de sa filière de soin. Elle doit déposer une dossier en ce sens auprès de l’agence régionale d’hospitalisation par l’intermédiaire de l’établissement qui bénéficie de son activité.
-     Elle offre indirectement des possibilités d’une meilleure insertion sociale et professionnelle.
-    Elle pourrait être partie prenante d’un réseau d’alcoologie et d’addictologie, public et privé. L’existence d’un tel réseau permettrait d’identifier les différents acteurs intervenant dans le champ des addictions et d’harmoniser les différentes pratiques.

Conclusion

Au terme de cette communication trop courte, étant donné la matière à traiter, nous pouvons dire qu’un budget complémentaire correspondant à 80% du coût d’une seule transplantation du foie serait
suffisant pour permettre la mise en œuvre de l’unité d’alcoologie qui vient d’être décrite.
La séquence méthodologique - entretien préalable spécialisé, prise en charge brève, accompagnement - a pour effet de réduire mathématiquement dans une proportion de 3 à 1 les journées d’hospitalisation. En réalité, l’impact économique est plus important. L’entretien préalable et le principe du contrat diminuent de moitié au moins le nombre d’hospitalisations improductives. L’accompagnement permet un rattrapage d’abstinence de 15% et aide à gérer une motivation insuffisante des sujets. Dans notre étude, seul un patient, doté de troubles cognitifs à la mesure de son refus d’investissement, a fait l’objet d’une seconde chance au cours de la même année. Les hospitalisations en d’autres lieux sont réfléchies et prescrites en connaissance de cause. Elles sont une autre étape dans le processus d’accompagnement.
L’association nous a permis la survie, la continuité et des progrès au prix d’une suradaptation.
Si nous ne parvenons pas rapidement à obtenir un contrat d’objectifs et de moyens, notre action s’éteindra au mieux dans 4 ans. Elle ne sera ni pérenne ni reproductible.
L’enjeu est de développer une alcoologie clinicienne, soignante, informative et préventive, dans le tissu libéral qui, selon le rapport Parquet et Reynaud, de 1999 accueille plus de 95% des personnes alcooliques.

Mise à jour le Vendredi, 20 Avril 2012 08:42