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Joubert - symptôme transgénérationnel ...

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L’ALCOOL, UN SYMPTÔME TRANSGENERATIONNEL

Christiane JOUBERT, Psychologue Clinicienne, Docteur en Psychopathologie

Maître de Conférences Université Lyon 2

Thérapeute Familiale Psychanalytique

 

Notre propos est d’aborder ensemble l’alcool et l’addiction en général, comme un symptôme signifiant un dysfonctionnement du lien intersubjectif (lien à l’autre.

C’est de l’expérience de notre clinique familiale psychanalytique que nous envisageons ces quelques hypothèses, à savoir :

1 - L’addiction serait une régression et une fixation à un mode fusionnel du lien, ce que R. Kaës nomme les états du lien (dans la transmission des éprouvés mère-bébé). On pourrait dire que cette façon d’être en lien à l’autre est addictée, collée. Il s’agit d’un mode de relation primaire: le sujet addicté recherche un état, un ressenti: pour l’alcoolique, on parle de se griser, comme le bébé se grise de sa mère...

2 - L’addiction concerne le sujet addicté, mais aussi son entourage : il y a souvent une grande tolérance de l’environnement par rapport au “ porteur du symptôme ”...pour ne pas dire connivence. Un alcoolique seul, cela n’existe pas... pour parodier D.W.Winnicott qui disait “ un bébé sans sa mère, cela n’existe pas ”...

L’addiction est un mode relationnel à l’autre.

- Addiction au produit : “ Jolie bouteille, gentille bouteille, veux-tu me laisser tranquille …”

- Addiction à l’autre.

3 - Cette façon d’être en lien, collé en deçà des mots, autour des ressentis, des éprouvés, se transmet sur un mode inconscient au travers des générations :

La famille A. dit : “ chez nous, on n’a pas besoin de se parler, on sait ce que l’autre ressent...c’était déjà comme cela dans ma famille -dit la mère-quand j’étais enfant... ”

 

4 - Pour le sujet addicté, le produit est une défense contre l’effondrement. Seul, abandonné, en proie aux angoisses de liquéfaction, l’alcool procure une sensation de chaleur, de remplissage du vide interne, réconforte...

-Se coller au produit

-Se coller à l’autre

L’alcool évite le travail psychique individuel, c’est un leurre, disaient de Mijolla et Sentoub dans “ Pour une psychothérapie de l’alcoolisme ” en 69.

L’alcool vient réveiller des zones muettes aussi bien sur le plan corporel (les éprouvés) que psychique, disent ces auteurs.

-Nous pensons que ces zones muettes sont “ des cryptes ” (cf.N. Abraham et M. Török) au sein desquelles sont emmurés des objets transgénérationnels, ...des fantômes dans les lignées...

 

5 - L’addiction serait donc une tentative de figurer quelque chose du transgénérationnel : une figuration répétitive, en quête de sens, de l’irreprésentable, du traumatique des lignées.

En effet, ce qui se transmet dans la famille, ce sont les fonctionnements : ainsi, l’alcoolisme à une génération peut provoquer répulsion à la suivante, ou addiction à un autre produit.

Les problèmes d’identification : L’alcoolisme d’une mère engendre un vécu d’abandon chez l’enfant, qui pour lutter contre ce vécu, utilisera à son tour l’alcool ou une autre substance.

L’alcoolisme d’un père entraîne souvent des vécus incestuels (cf.P.C. Racamier) avec ses enfants (l’alcool désinhibe, les interdits fondamentaux ne sont plus respectés : l’alcoolique est souvent agressif, grivois... voire obscène... ce vécu traumatique pour l’enfant se présentera peut-être (non symbolisé) dans un comportement d’addiction à l’âge adulte...pour tenter de revivre, en le figurant, le vécu traumatique initial.

En suivant ces quelques hypothèses, nous sommes amenés à proposer des dispositifs de soins groupaux pour les sujets addictés :

-Groupes à médiation, permettant un travail sur l’intersubjectif (le lien à l’autre) et sur le transsubjectif (l’appartenance au groupe) en plus de la mobilisation intrapsychique (de la problématique individuelle)

Mise à jour le Mercredi, 06 Juin 2012 14:01