Groupe Interalcool Rhône Alpes

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Groupes d'Art-Thérapie

Marie-Béatrice Vulin - Service d'alcoologie de la Clinique de la Roseraie

 

L’alcool comme seule médiation possible entre soi et le monde

L’alcool solution magique et illusoire, remplit le vide, donne un sentiment d’exister et de pouvoir sur le réel. Mais le sujet reste passif et disparaît. Les notions de limites spatio-temporelles, du corps, de l’autre, la nécessité de penser et de parler se dissolvent.

Le sujet  s’enferme alors dans un comportement et un discours répétitif, mortifère qui n’a plus de prise sur la réalité. S’ensuit un sentiment de honte, d’être rien entraînant un mouvement autodestructeur.

L’art-thérapie dans le service d’alcoologie

Le service de la Roseraie propose trois types de suivi :

un sevrage hospitalier de une semaine,

une cure hospitalière de 3 semaines avec une intention thérapeutique,

un suivi en ambulatoire.

En tant que art-thérapeute, j’interviens dans les trois, en proposant un atelier d’écriture et un atelier d’expression corporelle.

Pour les patients hospitalisés, les ateliers sont obligatoires.

Les patients présents pour trois semaines ont un atelier d’écriture et un atelier d’expression corporelle par semaine.

Les patients présents pour une semaine participent uniquement à l’atelier d’écriture. L’atelier d’expression corporelle demandant un minimum de suivi pour prendre du sens.

 

En ambulatoire, les patients qui désirent continuer s’inscrivent aux ateliers.

Le protocole est : un entretien préalable puis un engagement de 10 séances hebdomadaires avec une période d’essai de 3 séances afin que le patient juge si cela lui convient. Les absences doivent être signalées à l’avance sinon la séance est comptée comme due. Le coût est de 27 Euros  pour un cycle.

Après les 10 séances, nous reprenons rendez-vous pour un bilan de l’atelier et le patient décide s’il veut continuer ou arrêter.

Ce protocole avec un début et une fin permet d’apprivoiser l’engagement et d’aider à se projeter dans le temps. A l’intérieur de ce cadre, les patients rejouent souvent leurs difficultés à maintenir un lien.

Intention thérapeutique

L’art-thérapie sollicite les capacités créatives du patient par des médiations artistiques afin qu’il se relie à sa capacité d’être vivant, dans une relation dynamique au monde, c’est à dire,  être affecté  et mobilisé par ce qui le touche dans l’ici et maintenant afin de se désidentifier du discours répétitif ou de l’image figée qu’il a de lui-même.

 

L’art-thérapie propose une expérience sensible où le sujet apparaît. Nous pouvons faire un parallèle  avec l’art contemporain où l’œuvre propose une expérience, donne un sentiment d’existence à celui qui entre en relation avec elle. Le spectateur ou le lecteur comprend quelque chose de lui-même qui le relie au monde des humains et qui lui échappe en même temps.

L’oeuvre révèle ce non-dit, cet invisible, cette part aveugle à l’intérieur de soi. Elle une clé de lecture de soi et du monde, une sorte de médiation que le langage ou la raison sont  impuissantes à retranscrire.

Au cours d’une séance d’art-thérapie, l’expérience sensible est palpable, rend créateur car mobilise. L’expression prend forme et la forme produite rend concrète son existence au monde, son être-sujet. La mise en acte révèle, apporte du nouveau, même si la conscience du processus échappe au patient.  Et le nouveau ce peut être : sortir de la honte, se sentir capable, oser exprimer son ressenti, oser affronter le regard de l’autre, reprendre confiance en soi… autant d’expériences qui peuvent fonder un lien neuf avec le réel.

L’expression canalisée par la médiation aide à symboliser c’est- à -dire nommer l’absence, habiter le manque, le vide, donner du sens à sa vie.

L’atelier d’écriture

L’atelier d’écriture sollicite la liberté de penser, d’imaginer et de mettre en mot des sensations, des émotions, un point de vue à partir de consignes que je propose.

Ecrire relève souvent de l’intime. Ecrire en groupe c’est pouvoir échanger à partir de ce terrain-là.

Comment être vrai sans être impudique. Chercher les mots pour dire entraîne un mouvement  de penser, d’élaboration qui fait émerger le sentiment d’exister. Chacun a son style d’écriture et  sa manière de se servir des consignes. Ainsi il y a en même temps le sentiment d’appartenir au même groupe pour la même cause et aussi un  mouvement de différenciation.

Le temps de lecture est un moment fort où le patient se révèle en lisant son texte au groupe. Ceux qui écoutent font l’expérience d’être touché par l’autre, d’être bousculé.

Ainsi pouvoir à nouveau écrire et être entendu est souvent une expérience positive pour le patient, c’est la redécouverte d’une pensée sensible, vivante, personnelle.

L’atelier d’expression corporelle

L’atelier d’expression corporelle développe la conscience corporelle, ses capacités de mouvement. La dimension physique permet aussi d’atténuer l’angoisse. Le corps se met à exister et pas seulement à fonctionner. Ainsi le corps en mouvement développe la conscience de soi puis de l’autre.

La danse contemporaine a beaucoup travaillé autour du corps sensible et expressif, les différents espaces pour le mouvement.

Pendant l’atelier, nous nous appuyons sur ces apports pour travailler les notions de limites entre le dedans et le dehors ; moi/ non-moi, être semblable et différent, la capacité de sentir et choisir, les notions d’espace, de temps. Autant de notions qui s’éprouvent, mobilisent, engagent et structurent le sujet dans sa dimension physique et psychique.

L’éprouvé est direct. La dimension non verbale permet de trouver du jeu, de la relation d’inventer et de faire confiance à ce qui se met en mouvement.

Pris dans une dimension créative et ludique, le sujet devient acteur, participe à une pièce commune où il a sa place. L’expérience d’avoir sa place ou la prendre peut devenir essentielle pour un patient qui a perdu le sens de soi et de sa dignité.

Place dans le dispositif de soin

L’art-thérapie apporte un espace d’expression et d’échange qui n’est pas centré sur le produit. C’est un espace qui permet de redynamiser la capacité de sentir, d’agir, d’imaginer, de se réapproprier sa capacité à vivre du nouveau, sortir de la répétition, Il s’ancre dans l’ici et maintenant et invite à la différenciation.

La médiation artistique remplace la médiation alcool pour se sentir vivant et en relation.

Le processus thérapeutique est long. Le patient évolue en aller/retour. L’expérience du nouveau fait peur jusqu’à être niée. Mais c’est dans cette alternance création/destruction que quelque chose se construit.

L’art-thérapeute impulse, propose, s’engage mais aussi laisse faire pour laisser être. Il accompagne le mouvement qui décolle le patient de l’alcool ou de l’image de soi dans laquelle il s’est installé.

Mise à jour le Jeudi, 13 Octobre 2011 16:59