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Le lien : brefs éléments théoriques, constats et propositions de Directeurs de Centres spécialisés

Introduction et bref rappel théorique :

Dr Daniel Settelen

Le Docteur Settelen a transmis l'article suivant, qui reprend l'essentiel de sa présentation du 2/12/2005.

 

Les addictions répondent-elles toutes de la même souffrance ?

Docteur Daniel SETTELEN[1])

Introduction

Les addictions sont nombreuses et variées. Elles commencent souvent à l'adolescence mais peuvent aussi apparaître à tout âge en fonction des aléas de la vie et de leur effet traumatique sur le sujet. Les addictions qui commencent chez les personnes âgées sont fréquentes. Il faut y penser ! Elles interviennent comme un pansement de l'isolement, de la solitude difficile à supporter, de la diminution des capacités physiques mais aussi cognitives, d'un vécu d'inutilité et d'angoisse de la mort qui approche, dont personne ne leur parle et dont ils ont peur. De multiples souffrances sont à l'origine d'une addiction mais elles n'en sont que l'élément déclenchant, le traumatisme secondaire, et non la cause comme nous allons le voir.

Un peu d'histoire

Addiction vient du latin addictus. Il a été utilisé en France et en Europe occidentale jusqu'au Moyen Age dans un contexte juridique : il signifiait l'arrêt d'un juge autorisant un plaignant à disposer à son profit de la personne du débiteur défaillant pour payer sa dette. C'était une forme d'esclavage ! Il persiste encore de nos jours une forme mineure appelée la contrainte par corps.

Disparu de la langue française, il réapparaît dans la langue anglaise sous la forme du verbe to addict qui signifie s'adonner à.

Paul Fenichel puis Joyce Dougall, psychanalystes français, proposeront le concept d'addiction et l'utilisation du mot il y a plus de 20 ans.

Le concept d'addiction

Il peut se définir par deux propositions indissociables :

-        Tout ce qui peut entraîner un syndrome de dépendance, à savoir : un produit, un comportement mais aussi une personne ou une association,…

-        L'envie irrépressible inhérente d'utiliser ou de consommer (dimension impulsive) avec obligation de répétition (dimension compulsive).

-        Nous avons tous des dépendances affectives mais pas tous les besoins compulsifs. L'addiction est en quelque sorte une forme d'habitude pathologique qui envahit peu à peu la vie mentale et sociale d'un sujet.

L'objet addiction

Nous avons vu qu'il pouvait être un produit, un comportement ou une personne. Il est utilisé et intervient à chaque fois que le sujet ne parvient pas à utiliser sa capacité de représentation, sa capacité à mentaliser pour gérer les aléas de la vie.

La liste des addictions possibles est longue. Sans vouloir être exhaustif, nous n'en citerons que quelques unes :

L'alcool,

Les drogues,

Le tabac,

Les médicaments,

Les troubles des comportements alimentaires,

Les achats compulsifs,

Le jeu,

Le sport,

Le sexe,

Le travail,

La télévision,

Internet,

Le portable,

Les tentatives de suicide,

La psychopathie et délinquance.

Sans oublier les addictions à une personne ou à une association.

De même, l'exhibitionnisme dans son aspect compulsif se rattache davantage à une addiction qu'à la perversion comme on le pense souvent.

Il existe fréquemment des associations d'addictions (co-addiction) comme c'est le cas fréquent avec alcool – tabac, drogue – médicament,…il faut également signaler que si le soin ne s'intéresse qu'au produit ou au comportement, il y a le plus souvent changement d'addiction : passage de la drogue à l'alcool, de l'alcool à la dépendance associative, du jeu à l'alcool,…

Début de l'addiction

Elle commence à chaque fois qu'un aléa de la vie, appelé traumatisme secondaire, vient menacer le MOI du sujet et mettre en péril ses mécanismes de défense.

Classiquement, les addictions surviennent lors du passage difficile de l'adolescence vers l'âge adulte mais elles peuvent commencer à tout âge et particulièrement, on l'oublie trop souvent, à la période dite du 3ème âge où se conjuguent l'arrêt de la vie professionnelle, le départ des enfants du foyer parental, l'éclatement de la famille et souvent la mort d'un des membres du couple.

En réalité, l'addiction préexistait mais était soit socialement acceptable (addiction au travail ou au sport), soit étayée par un anaclitisme rassurant (avec le conjoint le plus souvent) et de ce fait, n'apparaissait pas et passait inaperçue. Ce n'est que lors de la perte de l'étayage (mise à la retraite) ou de l'anaclitisme (mort du conjoint) qu'il y a menace pour le MOI, qu'apparaît et devient manifeste l'addiction.

Il convient de ne jamais confondre le ou les traumatismes secondaires déclenchants, second temps du Traumatisme, et le ou les traumatismes Primaires qui créent la prédisposition en fragilisant le MOI du sujet. Ce Premier temps du Traumatisme est précoce, archaïque, comme nous allons le voir.

Psychogénèse des addictions

Une addiction s'installe le plus souvent progressivement et insidieusement comme un comportement protecteur destiné à préserver le MOI, vécu en danger, du sujet.

L'observation clinique montre chez ces sujets, une difficulté à utiliser la parole pour communiquer et représenter les souffrances existentielles, les angoisses communes aux humains. Tout se passe comme si les difficultés à mentaliser et à représenter se déplaçaient vers un comportement substitutif ou médiateur de parole. Progressivement, ce comportement devient très vite la seule manière de panser la souffrance et enferme le sujet dans la répétition compulsive.

Nous pouvons également observer des carences narcissiques primaires souvent importantes qui amènent à rechercher des relations anaclitiques de dépendance, faisant fonction d'étayage du MOI fragile. Lorsque ces étayages s'effondrent ou disparaissent, l'addiction peut advenir. Dans certains cas, il peut y avoir somatisation plus ou moins grave, parfois mortelle.

Il y a presque toujours un vécu carentiel innommable et irreprésenté de manque originel, un sentiment autodépressif d'incomplétude. Le fonctionnement imaginaire est souvent pauvre, le Surmoi fragile, et il y a une relative exigence de satisfaction immédiate du désir constitutive de la compulsion.

L'histoire infantile est marquée par des repères identificatoires parentaux défaillants ou carencés, des interrelations de mauvaise qualité, un milieu familial que l'on peut qualifier de toxique au sens où l'amour ne se dit pas, où la parole ne sert que peu à communiquer. Souvent, ce milieu dépressif mal libidilisé n'a pas joué un rôle efficace de pare excitation. Parfois même le climat peut être qualifié d'incestuel mais il est aussi d'autres fois incestueux.

Ce rapide tour d'horizon, à partir de la clinique, nous ramène à la difficulté de communication, à des liens interrelationnels insuffisants et/ou de mauvaise qualité. Or, c'est la qualité des inductions et des intercommunications avec l'environnement familial, c'est de la sécurité affective (holding et handling de Winnicott) de ce milieu que dépend la bonne organisation d'un sujet.

L'épigenèse interactionnelle décrite par les ethnologues montre que si le nouveau-né apporte dans son équation génétique, d'ordre phylogénétique, des éléments présymboliques, ils ne peuvent devenir efficients que s'ils sont stimulés par des modèles imaginaires environnementaux pour donner les premières formations fantasmatiques. Ces premiers fantasmes induits par l'environnement sont renvoyés par le nouveau-né sur cet environnement et déclenchent des réactions imaginaires de l'entourage qui renvoie à son tour au nouveau-né des stimulations génératrices d'autres formations fantasmatiques et ainsi de suite…

Mélanie Klein, à propos de l'identification projective, à insisté déjà sur l'influence des inductions environnementales et des réponses de cet environnement. Elle montre que les premiers modèles imaginaires activés ne sont pas érotiques mais violents, et que la première relation d'amour est de l'ordre de la réparation donc secondaire.

Jean Bergeret nous a montré que cette violence constitutive de notre élan vital, qu'il a appelé la violence fondamentale, est dans le meilleur des cas mise au service de la libido dans un but intégratif et maturatif.

Les scientifiques ont montré que le système nerveux obéissait également à la sélection darwinienne. Quand un petit humain ou un animal grandit, ses neurones se câblent ou obéissent à un plan déterminé par les gênes. Mais la soudure entre deux neurones ne subsiste que s'ils sont sollicités par l'environnement et fonctionnent dans un circuit. Par exemple, les neurones visuels d'un nouveau-né ne se connecteront pas s'il est plongé en permanence dans l'obscurité pendant 2 à 3 mois. Il demeurera définitivement aveugle. Il y a donc une sélection qui ne retient que les circuits pertinents et sollicités pour l'individu. Ce qui a fait dire à Joël de Rosnay : "apprendre c'est éliminer…"

C'est donc très précocement, avant l'acquisition du langage, avant la capacité d'accès au symbolique, que quelque chose est advenu, a été vécu corporellement sans possibilité de représentation, laissant une cicatrice, une vacuole, un trou irreprésentable qui deviendra une menace permanente ultérieure pour le MOI du sujet. Le reste de la maturation affective se déroulant, par ailleurs, normalement. Comme nous l'avons dit, nous sommes dans une faille de l'accession au symbolique, une défaillance des liens primaires que les mots ne peuvent ni exprimer, ni représenter?

La fonction de relation a été perturbée par insuffisance ou défaillance de l'intercommunication avec le milieu familial, par une mauvaise qualité des liens interrelationnels. Mais il peut s'agir aussi d'événements extérieurs suffisamment importants pour détourner pendant un temps le "regard parental" et entraîner une rupture dans la continuité du lien primaire. Cet événement n'est traumatique qu'à travers l'incidence qu'il représente chez le parent, et la rupture de la continuité du lien, le détournement de l'attention (holding et handling) qu'il entraîne. C'est, en effet, de la manière dont l'enfant est porté, de la qualité de la présence affective du parent, de la présence corporelle, des échanges charnels que l'enfant se libidinise. Les premiers liens sont corporels. C'est à partir des éprouvés, du vécu corporel, que la psyché s'organise. L'enjeu est l'organisation du narcissisme primaire.

Principales causes des addictions

  • Les événements extérieurs peuvent être divers : il peut s'afir d'un deuil d'un proche parent, d'un divorce, d'une séparation momentanée pour hospitalisation ou maladie, de l'arrivée prématurée d'une grossesse, etc…
  • Mais il peut s'agir aussi d'événements qui se sont produits pendant la grossesse de la mère et ont perturbé le bon déroulement de la vie fœtale. Tout ce qu'il vit, sent, éprouve, consomme la mère est transmis directement au fœtus.
  • Il y a également des traumatismes transmis transgénérationnellement d'inconscient à inconscient comme l'a montré Karl Abraham et qui se traduisent le plus souvent à la troisième génération, mais aussi parfois de génération en génération, jusqu'à la répétition.
  • Enfin un traumatisme sidérant au sens où sa violence le rend irreprésentable peut agir comme un traumatisme primaire et être à l'origine d'une addiction compensatrice. Ce traumatisme (prise d'otage, attentat, viol avec violences, agression grave, etc…) traverse la psyché sans pouvoir être pensé, est immédiatement refoulé et constitue un noyau d'addiction potentielle.

La perte des étayages

C'est toute la problématique du narcissisme primaire perturbé dans son organisation par les défaillances phalliques narcissiques de l'environnement parental. Le sujet, en perpétuelle menace dépressive, d'effondrement de son unité, va chercher à l'extérieur les étayages, les réassurances narcissiques qui lui font défaut à l'intérieur.

Chez l'adulte, ces étayages sont représentés par la famille, les enfants, le couple, les amis, la vie professionnelle, la vie associative, les activités  diverses, etc… ils viennent compenser les carences internes du sujet et tout se passe bien tant que ces étayages fonctionnent. C'est lorsqu'ils s'effondrent (arrêt de la vie professionnelle, mort d'un ou plusieurs membres de la famille, mort d'amis, mort du conjoint, réduction des capacités physiques et/ou intellectuelles, etc…) que la menace interne réapparaît et que l'addiction peut servir à panser cette souffrance ingérable autrement.

Fonction de l'addiction

Comme nous l'avons vu, l'addiction survient comme le pansement d'une souffrance archaïque vécue corporellement, irreprésentable et menaçant le MOI du sujet. Quelque chose n'a pas pu s'organiser et a laissé une sorte de vacuole, une béance vécue menaçante pour l'unité du sujet.

Il convient de ne pas confondre les événements déclenchants, les souffrances actuelles variées et nombreuses que nous pouvons appeler l'élément déclenchant ou le second temps du Traumatisme, avec le premier temps du Traumatisme, précoce, archaïque, in utéro ou transgénérationnel comme nous l'avons décrit.

L'addiction lorsqu'elle survient, vient compenser la perte des étayages extérieurs, de l'anaclitisme rassurant. En ce sens, elle a pour fonction de préserver la survie psychique du sujet. L'objectif addictif, en quelque sorte, lui permet de ne pas devenir fou. A ce titre, il convient d'y penser avant de se précipiter sur l'objet addiction vécu comme le mal à éradiquer. Il convient de penser le lien avant d'envisager la séparation de l'objet addiction. L"objet addiction vient se loger dans le trou, la vacuole créée par le traumatisme précoce, pour donner au sujet l'illusion de la complétude. Illusion transitoire qui implique rapidement la compulsion.

Conclusion

Les addictions peuvent survenir à tout âge en fonction des aléas de la vie et des souffrances existentielles communes aux humains. Elles sont déclenchées par des événements actuels appelés traumatismes secondaires ou second temps du Traumatisme. Elles reposent sur l'existence de traumatismes précoces, ou premier temps du Traumatisme, survenus avant l'acquisition du langage et de la capacité à symboliser.

Ces traumatismes peuvent être vécus in utero ou transmis transgénérationnellement. Vécus corporellement, irreprésentés, ils constitueront une menace permanente pour l'unité du sujet, une vacuole, une béance qui sera, un temps plus ou moins long, comblée par les étayages extérieurs du sujet. C'est lorsque ces étayages seront devenus suffisants, par perte ou affaiblissement, que la menace addictive advient pour préserver l'unité du sujet et sa survie psychique.

Chaque histoire est singulière, mais n'y a-t-il pas en chacun de nous une capacité addictive ?

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Références bibliographiques

BERGERET J. (1994) La violence et la vie. Paris : Payot, 254 p.

BERGERET J. - CHARAZAC P. - GEBLESCON N. SAL. A. – SETTELEN D. et al (1996) La pathologie narcissique. Paris : Dunod, 248 p.

BERGERET J. (1990) Les conduites addictives, (3-9). In : Syros (Ed). Les nouvelles addictions, Venisse J.L. Paris 263 p.

GOMEZ H. (1997) Soigner l'alcoolique. Paris : Dunod, 301 p.

GONDOLO-CALAIS F. (1979) La femme et l'alcool. La documentation française. 87 p.

MIJOLLA A. de SHENTOUB S.A. (1973) Pour une psychanalyse de l'alcoolisme. Paris : Payot.

MONJAUZE M. (1991) La problématique alcoolique. Paris : Dunod, 256 p.

SETTELEN D. (1996). Approche psychanalytique des violences à l'adolescence (25-38). In.

REY C. Les adolescents face à la violence, Paris, Syros, 335 p.

 


[1] Psychiatre-Psychanalyste (S.P.P.Lyon). Enseignant en addictologie, 3ème cycle universitaire.

- 8, place des Terreaux – 69001 LYON   Tél. 04 78 39 45 44    Fax : 04 78 30 53 60

- Clinique Villa des Roses – 62, rue Commandant Charcot – 69005 LYON

Résumé

L'auteur, psychiatre – psychanalyste (SPP) est enseignant à la faculté au diplôme universitaire de 3ème cycle sur les conduites addictives. A partir de son expérience clinique et en référence à la littérature existante, il montre que la psychogenèse des addictions apparaît comme la résultante de traumatismes archaïques précoces vécus corporellement avant l'acquisition du langage et de la capacité à symboliser. Il y a une incapacité à utiliser les mots pour communiquer et exprimer les souffrances et angoisses communes aux humains. Ces traumatismes peuvent être aussi in utero ou transmis transgénérationnellement. Tout se passe comme si les difficultés à mentaliser et à représenter se déplacent vers un comportement substitutif ou médiateur de parole.

Les addictions peuvent apparaître à tout âge, lorsque les mécanismes de protection, les étayages, s'affaiblissent ou s'effondrent. C'est le 2ème temps du Traumatisme ou l'élément déclenchant.

L'auteur rappelle enfin que les addictions ont pour fonction de préserver la survie psychique du sujet et qu'il convient de penser le lien à l'objet d'addiction avant d'envisager la séparation.

Mots clés

Addiction – Traumatismes précoces – Psychogenèse – Pathologie du lien – Symbolisation.

 

Constats de la difficulté à établir le lien en milieu carcéral ou judiciaire :

Dr Christophe Icard et Dr Catherine Delachenal

Lien en maison d'arrêt

Dr Catherine Delachenal

Les patients arrivent après 2 jours de garde à vue où ils voient différents intervenants aux "arrivants".

Un dépistage d'addictions est fait par l'antenne toxicomanies.

Quelques chiffres

En 2004 : 2000 entrants, 358 avaient u problème d'alcool.

En 2005 : 600 arrivées avaient un problème d'alcool dont la moitié étaient là pour récidive.

C'est une population jeune qui a environ 27 ans.

LE LIEN

Comment peut se créer le lien ou le "non/lien" en Maison d'Arrêt ?

De plus, l'antenne a un cahier des charges précis dans la mise en œuvre de la prise ne charge, de la prévention ou de la sortie des patients qui ont des problèmes de dépendance.

Il y a le rejet. Le détenu n'est pas toujours perçu comme un être en souffrance qui peut évoluer.

La contrainte carcérale c'est quoi ?

Ce sont des contraintes sécuritaires, des transferts qui ont lieu du jour au lendemain, des mouvements bloqués.

On fait appeler un détenu et on nous annonce qu'il n'est plus là et qu'il a été transféré dans un autre centre de détention ceci du jour au lendemain.

Chaque fois qu'il y a un évènement particulier, comme un détenu qui fait une tentative de suicide, ou un détenu étiqueté dangereux qui doit traverser la prison, alors les mouvements sont bloqués et dans ce cas, il est impossible de pratiquer une seule consultation.

Autre élément intervenant sur le lien : les détenus n'ont pas le choix du thérapeute.

La durée de détention pour un délit en rapport avec l'alcool est en moyenne de 3 à 6 mois.

Alors que nous reste-t-il à faire, à nous thérapeutes en alcoologie ?

On rencontre le détenu en tant que patient.

On passe d'abord par le corps pour faire le lien.

On donne l'envie d'une psychothérapie.

On travaille  sur l'élément déclenchant.

On travaille sur l'aide qu'on peut apporter pour retrouver une vie relationnelle et un travail satisfaisants.

Le praticien sert de lien à l'autre, de lien entre, il y a du vivant.

Mais : jusqu'où l'institution peut-elle porter ? Il y a le facteur temps, et aussi les limites.

Sommes-nous dans l'éducation ou la ré-éducation ? Pour certains détenus, l'apprentissage des relations sociales est impossible.

On essaie de travailler sur "prendre soin de soi".

Le lien jusqu'où ?

Le lien est très difficile en prison. Les soignants vivent en autarcie.

Le lien dans les équipes aussi est difficile car il y a le danger de travailler en miroir des patients c'est-à-dire dans le clivage.

-       Mise en lien de l'institution avec un réseau.

-       Comment on favorise la construction de liens extérieurs.

-       Parfois, certains patients ne veulent pas recommencer leur "histoire" et demandent à nous revoir à la sortie.

Se pose la question : faut-il tourner la page et rencontrer d'autres thérapeutes ou garder ce lien si infime soit-il ?

Nous devons tenir compte des étapes dans l'espace temps.

C'est un étayage.

En conclusion

En prison, le lien est précaire. Dès les premières consultations, il faut penser à l'arrêt du lien. Que "ça" s'arrêtera un jour, et ce qui est encore plus difficile mais peut-être plus riche, nous devons penser que chaque consultation peut être la dernière.

Et nous devons aider les personnes à acquérir une capacité de mise en lien.

La question majeure est peut-être la suivante :

Peut-on soigner en prison ? Ou est-ce utopique ? Idéologique ?

L'intéressant est de donner des adresses pour la sortie.

-       La sortie n'est pas une rupture de lien.

-       C'est une séparation non traumatique.

-       On emporte avec soi tout ce qu'on a vécu.

Il y a différence entre la séparation et l'abandon.

 

 

Thierry Yon, directeur du centre Espace-Regain (26)

Le 2 décembre 2005,  Thierry Yon nous a communiqué oralement ses réflexions autour du lien, selon la position d’un directeur de CHRS.

Il ne nous a pas remis de texte écrit, estimant plus importante le lien direct, de personne à personne.

Nous avons repris un document présentant brièvement le centre qu’il dirige depuis plusieurs années.

Pascale Chevry

 

Le siège de Regain, hier patrimoine à l'abandon, a été réhabilité en partie par les adultes en réinsertion.

En 1997, le Comité d'Hygiène Sociale met à disposition de l'association drômoise l'Escale le Château Pergaud, situé à Allex, près de Crest.

C'est ainsi que naît "Regain", un Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (C.H.R.S.), destiné à accueillir des personnes après sevrage d'alcool pour des séjours d'environ 6 mois.

Objectif : leur donner les moyens de se reconstruire, et de renouer avec leur vie relationnelle, sociale et professionnelle. Plus de 250 adultes en ont déjà bénéficié.

 

"Les cures, le sevrage, tout cela ne suffit pas. Encore faut-il avoir le goût de revivre. Il faut vraiment en vouloir pour s'en sortir. Et ici, ce qui m'aide le plus, c'est de travailler, et de le vouloir enfin." C'est pour Jean-Paul et tous ceux qui comme lui ont vécu un long parcours avec l'alcool qu'est née l'idée du centre Regain.

"Il était important d'apporter une réponse autre que médical au problème de l'alcoolisme", précise Thierry Yon, directeur du Centre, l'une des rares institutions de ce type en France. "La dépendance naît souvent de l'abandon et provoque des situations de rupture. La part du psychologique et du social est donc aussi déterminante dans la réussite du sevrage et du retour à une vie normale. Ce que nous voulons, c'est aider ces personnes à faire le deuil de l'alcool, en les aidant à se reconstruire et à retrouver une autonomie."

Pour les aider à franchir ce cap difficile, Regain a imaginé des séjours adaptés : hébergés pendant six mois, les adultes volontaires sont aidés par une équipe d'éducateurs et de psychologues, tout en étant eux-mêmes acteurs de leur réinsertion : remise en situation de travail, activités d'expression...

Gage de réussite après la sortie, le travail souvent apprécié est en effet essentiel à chacun. Il permet de réapprendre un rythme, mais aussi et surtout de retrouver peu à peu le sentiment d'être utile, le sens des responsabilités, l'autonomie... Employés en contrat emploi solidarité, les "résidents" de Regain effectuent ainsi quatre heures de travail quotidien : travaux de réhabilitation du Château Pergaud mais aussi d'institutions environnantes, travaux d'entretien, de cuisine, jardinage, menuiserie...

D'autre part, les activités de groupes axées sur l'expression sont essentielles pour faire le pas du sevrage à la non-dépendance définitive : "l'utilisation de l'alcool est souvent une alternative à la prise de parole", explique le Dr Brochier, psychiatre. "Et si on veut se séparer de l'alcool, il faut arriver à mettre des mots sur ce qu'on ressent". Soutien psychologique, techniques de communication verbale et non verbale, relaxation, activités artistiques, activités sportives... sont autant de moyens d'y parvenir.

"Regain d'espoir" donc pour les personnes qui veulent s'en sortir définitivement avec l'alcool, le CHRS apporte une réponse globale au problème de la dépendance. Un travail qui passe aussi par l'accompagnement à la sortie des bénéficiaires, grâce à l'accès au logement et à un travail ou à une formation, en lien avec les partenaires sociaux.

 

Partenaires

Prise en charge

DDASS, DDE de la Drôme, l'association l'Escale

Initiateur

L'association l'Escale, acteur dans le domaine de l'insertion

Mise à disposition de la propriété le Comité d'Hygiène Sociale (bail de 23 ans)

Contacts

Centre Regain

Château Pergaud, 26 400 Allex

Tél. : 04 75 62 80 45 - fax : 04 75 62 80 69

e-mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Association l'Escale (spécialisée dans l'insertion)

114 rue de la Forêt, 26 000 Valence

Tél. : 04 75 86 13 13

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Jean Galleron,  directeur du Centre Jonathan (Villefranche S/Saône (69)

 

Vous m'avez demandé d'intervenir en tant que directeur sur le thème "reconstruire les liens".

Pour faire vite, je pars du postulat que vous adhérez tous à la définition de la toxicomanie d'Olivenstein : "c'est la rencontre entre une personnalité, un produit, et un moment socioculturel".

Nous pouvons également être tous d'accord sur la dimension dépressive sous-jacente aux dépendances, et sur l'idée que la toxicomanie représente une tentative de défense et de régulation contre les failles et déficiences narcissiques, d'où l'obligation de proposer un travail de restauration narcissique, un travail d'étayage narcissique.

J'ajouterai que dans le domaine de la toxicomanie, la définition du trouble fait une large place à l'appréciation subjective du sujet concerné, et la logique veut que les traitements envisageables soient basés sur la démarche et la demande du sujet. La clinique est donc placée sous le signe de l'intersubjectivité, d'où les prises en charge et les accompagnements qui s'instaurent en fonction de la qualité de la relation qui s'établit.

Notre devoir alors, en tant que directeur de centre, est avant tout de donner les moyens nécessaires aux cliniciens pour instaurer cette relation suffisamment positive.

Le directeur doit donc organiser le cadre et les moyens nécessaires aux soins à proposer.

Je vais donc insister sur quelques points qui caractérisent me semble-t-il notre modèle de prise en charge et qui s'imposent par la complexité de la prise en charge d ces populations.

Tout d'abord, la nécessité d'une pluridisciplinarité dans l'équipe. Disposer de regards différents au sein d'une même équipe est important pour comprendre la situation ou la problématique de la personne, et à fortiori du toxicomane, décrypter sa demande et imaginer les modalités d'intervention. Cela permet également de prendre en compte la complexité du sujet.

Ensuite, une équipe disciplinaire apporte plusieurs théories explicatives à l'ensemble des phénomènes observés, et ouvre ainsi le possible des rencontres. Il permet entre autres, d'orienter assez rapidement le toxicomane vers le professionnel qu'il se représente comme pouvant traiter son problème, évitant ainsi de renforcer chez lui l'idée que le lien à l'autre est menaçant.

Enfin, elle permet d'introduire nos limites face à la toute puissance qu'il nous projette. Notre façon d'aborder les problèmes ne représente jamais la seule possible, et elle peut se révéler peu pertinente ou voire insuffisante dans certains cas.

La pluridisciplinarité introduit alors la notion de limite structurante.

Le travail pluridisciplinaire en équipe permet de proposer aux personnes accueillies, des expériences de contacts, de confrontation, de limites différentes, d'investissement diversifié, qui enrichissent le travail d'accompagnement. Mais il implique une capacité à penser et travailler ensemble. Cette capacité ne dépend pas de la rencontre aléatoire entre les personnalités des professionnels. Elle s'apprend, mais aussi elle se suscite par un niveau de sécurité narcissique éprouvée par l'ensemble des membres de l'équipe qui se manifeste par le sentiment d'être protégé, reconnu et valorisé dans l'exercice de ses fonctions auprès des patients et de ses pairs.

L'institution doit organiser des espaces et des temps d'élaboration pour penser et ajuster les dispositifs institutionnels dans lesquels nos pratiques s'inscrivent.

Pour notre part, nous avons deux journées par an consacrées à ce travail avec un intervenant extérieur.

Enfin, il faut que l'institution garantisse au patient comme au professionnel, le recours possible à un tiers dans la relation soignant/soigné qui s'instaure.

La complicité des situations cliniques l'impose.

Comme le souligne Marc Valleur : "un enfermement dans un duo pervers existe de par l'ambivalence du toxicomane".

Il nourrit :

Le fantasme qu'il doit s'en remettre entièrement à l'autre magique (comme la drogue),

Et la crainte du face à face dans lequel l'autre deviendrait tout puissant et l'aliénerait (comme le dealer).

D'où l'importance du travail d'équipe où chaque professionnel échange et élabore autour de ces prises en charge et où une véritable approche institutionnelle est présente. Une réunion où toute l'équipe est présente est indispensable.

Il faut aussi :

Que soit garanti au patient le respect d'une éthique de soins, par exemple qu'il puisse vérifier la confidentialité qui sera assurée vis-à-vis de l'extérieur de ce qu'il dépose.

Qu'il garde une pleine et entière liberté de choisir à tout moment de poursuivre ou d'arrêter la relation thérapeutique.

Il est essentiel également que le professionnel :

Se sente légitimé et protégé pour entendre les attaques ou les transferts massifs.

Se sente soutenu pour contenir les attaques du cadre, les transgressions.

Qu'il bénéficie d'un véritable lieu d'élaboration pour donner sens aux conduites répétitives et contenir les pulsions de mort qui envahissent les sujets.

L'institution doit pour cela également mettre en place un temps pour penser et ajuster le travail d'accompagnement. Ce temps de l'analyse de la pratique doit se faire par un intervenant extérieur.

En conclusion, je crois que l'institution, pour être soignante, c'est-à-dire pour permettre aux toxicomanes de reconstruire des liens, doit se donner les moyens d'un véritable travail d'équipe et offrir en permanence aux professionnels des possibilités de formations ou d'approfondissement des compétences.

Mise à jour le Jeudi, 03 Novembre 2011 17:15