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Les passages entre troubles dans les conduites alimentaires et alcoolo-dépendance

 

 

Continuité et discontinuité
entre les TCA et la dépendance alcoolique

 

  • Sophie ORLHAC, médecin à la clinique Mon Repos, 1er décembre 2006

 

 

    1. Définitions des troubles des conduites alimentaires (cf. DSMIV)

 

 

    1. Données épidémiologiques

 

2.1) Epidémiologie des TCA

 

Les TCA sont des affections de la femme jeune.

 

  • Pour l’anorexie mentale, prédominance féminine dans 9 cas sur 10 ; âge de survenue : 2 pics de fréquence : 13-14 ans et 16-18 ans).

10 % des jeunes filles présentent dans nos sociétés des formes légères d’anorexie spontanément curables en 1 an ("les troubles du comportement alimentaire". Christine Vindreau. Chap. 101 du traité d’addictologie. Médecine-sciences-flammarion).

Aux USA, la prévalence de l’anorexie mentale serait comprise entre 0,1 et 1 % (Dr pierre Lahmek, "Comment gérer les compensations, les transferts de dépendances et les associations d’autres dépendances psychoactives" ; in alcoologie et addictologie 2001 ; 23 (2) : 294-310).

 

  • Pour la boulimie : prévalence autour de 1 à 3 % de la population adolescente et adulte. Taux identique dans les pays industrialisés. Prédominance féminine nette : 90 % ("les troubles du comportement alimentaire". Christine VINDREAU. Chap. 101 du traité d’addictologie. Médecine-sciences-flammarion).

 

    1. Epidémiologie de l’association alcoolisme (ou abus d’alcool)-TCA :

 

Dans l’alcoolisation excessive par excès, il n’est pas rare d’observer des TCA de type accès compulsifs et des troubles addictifs divers (Pr. Jean Louis Schlegel et Coll., "les compensations alimentaires" in alcoologie et addictologie 2001 ; 23 (2) : 291-293).

 

De nombreuses études ont mentionné la coexistence fréquente des TCA et de l’alcoolodépendance par rapport à une population témoin sans TCA (Susuki K et coll, "Coprevalence of bulimia with alcohol abuse aned smoking among japonese male and femalehigh school student" addiction, 1995 ; 90 : 971-975).

Prévalence vie entière de l’alcoolisme plus élevée chez les patientes boulimiques ou anorexique-boulimique (Holderness et coll : "comorbidity of eating disorder and substance abuse. A review of the literature. In J Eating disorders, 1994 ; 16 :1-34) que chez les anorexiques restrictives.

D. Miocque et M. Flament ("troubles du comportement alimentaire et alcoolisme" in synapse n°167, juin 2000) évoque une prévalence vie entière de 9 à 39 % chez les sujets boulimiques contre 0 à 9 % chez les sujets restrictifs. Ils évoquent chez les patients suivis pour alcoolisme, une prévalence vie entière des TCA autour de 11 % chez les femmes et 0,2 % chez les hommes. Dans 80 à 93 % des cas il s’agit d’une boulimie ou d’une anorexie boulimie.

La boulimie et les anorexiques boulimiques sont les TCA les plus fréquemment associés aux pathologies alcooliques (D Miocque et M. Flament, alcoolisme et troubles du comportement alimentaire in alcoolisme et psychiatrie, Masson, 2003, page 135-151).

 

2.3) Données épidémiologiques familiales

 

La prévalence de l’alcoolisme chez les proches de sujets boulimiques est plus élevée que chez les proches de sujets qui ne sont pas boulimiques (D. Mioque et M. Flament in synapse et dans le livre "alcoolisme et psychiatrie" page 135-151).

R Eiber ("relation entre addiction et troubles du comportement alimentaire". Le courrier des addictions (1), n°2, mars 1999) évoque comme points communs des addictions et des TCA, la présence d’antécédents familiaux d’abus de substances toxiques ou d’alcool.

 

    1. Chronologie d’apparition des troubles chez les sujets traités pour un TCA

 

D. Miocque (alcoolisme et troubles du comportement alimentaire in alcoolisme et psychiatrie, Masson, 2003, page 135-151) constate que l’installation de l’alcoolisme est secondaire à celle des TCA dans la majorité des cas. Il évoque l’étude de Higuchi et coll (alcoholics with eating disorders. Prevalence and clinical course. A study from Japan. Br J psych, 1993 ; 162 : 403-406) portant sur 3 592 sujets admis à l’Institut National d’Alcoolisme au Japon qui retrouve que 90 % des sujets présentant les deux pathologies ont d’abord souffert d’un TCA puis d’un abus d’alcool puis d’une dépendance alcoolique.

 

Lahmek ("comment gérer les compensations, les transferts de dépendances et les associations d’autres dépendances psychoactives" ; in alcoologie et addictologie 2001 ; 23 (2) : 294-310) confirme que généralement le TCA a précédé l’apparition de l’abus ou de la dépendance et rajoute que les personnes ayant le plus souvent cette association, présentent des troubles associés de la personnalité. Il évoque que lorsque l’alcoolodépendance précède l’apparition du trouble du comportement, le taux de comorbidité psychiatrique est plus élevé (Wiseman CV et collsubstance dependance and eating disorders : impact of sequence of comorbidity. Comp psychiat 1999 ; 40 : 332-336.)

 

    1. Relation entre consommation d’alcool et troubles du comportement alimentaire
      sévère à mineur et notamment consommation de sucre


Une relation inverse entre consommation de sucre et de confiserie et consommation d’alcool a été mise en évidence dans des populations d’hommes et de femmes, comme si l’appétence pour l’un se substituait à l’autre. Toutefois, les alcooliques ont une préférence plus marquée pour les produits sucrés (Pr. Jean Louis Schlienger et coll, "les compensations alimentaires" in alcoologie et addictologie 2001 ; 23 (2) : 291-293).

Une étude (Paille et coll, "la ration alimentaire du malade alcoolique avant et après sevrage". Bull Soc Franç alcool, 1982 ; 3 : 90-94) retrouvait une augmentation de la consommation des sucres d’absorption rapide, des desserts et des boissons non alcoolisées hyperglucidiques. Une étude prospective et rétrospective portant sur 222 alcooliques récemment sevrés retrouvait une augmentation de consommation de café, de chocolat, de confiserie et d’autres produits sucrés chez 78 % des sujets. Le désir de consommer de tels produits étaient corrélés avec le désir de consommer de l’alcool (Junghanns K et coll, "craving shift in chronic alcoholics. Eur Addict Res 2000 ; 6 (2) : 64-70.

Marlène Klein et coll ("compensations alimentaires après sevrage alcoolique. Résultat d’enquêtes" Alcoologie. 1996. tome 18. 2/179) retrouvait dans une étude sur 50 patients questionnés au début et à la fin de leur hospitalisation (4 semaines) pour sevrage, une augmentation de consommation de glucides, de produits doux, onctueux, gras, après sevrage, et évoque le rôle des opiacés endogènes dans le contrôle de la prise alimentaire.

Dean Krahn et all (sweet intake, sweet liking, urges to eat and wheight change : relationship to alcohol dependence and abstinence, addictive behaviors, xx 2005 xxx-xxx), dans une étude randomisée comparant à la fois un groupe de patients dépendants sevrés récemment entre eux en les séparant en 3 groupes (ceux recevant comme conseils diététiques de répondre aux envies d’alcool par des sucreries, ceux recevant des conseils pour une alimentation équilibrée et ceux recevant comme conseils d’éviter les sucreries) à la fois à un groupe de patients qui buvaient de manière modérée et un groupe de patients dépendants sevrés restés abstinents avec un groupe de patients non abstinents, ne retrouvaient pas d’effet significatif de la prise de sucre sur les envies d’alcool. Par contre durant le premier mois, les patients dépendants sevrés avait une préférence supérieure pour les sucreries par rapport au groupe contrôle, mais cette préférence a diminué au fil du temps (suivi sur 6 mois). Il n’y avait pas d’effets des recommandations diététiques sur les envies d’alcool ou sur les consommations d’alcool.

 

R. Eiber ("relation entre addiction et troubles du comportement alimentaire". Le courrier des addictions (1), n°2, mars 1999) évoque une étude montrant que les femmes qui ont un besoin irrésistible de sucreries et d’hydrates de carbone sont plus sujettes à l’abus ou à la dépendance alcoolique. Ce comportement serait associé à une recherche de nouveauté plus importante et elles auraient davantage de préoccupations corporelles.

 

Dean Krahn et coll (pathological dieting and alcohol use in college women-a continuum of behavior, Eating Behavior 6 (2005) 43-52) dans une étude sur des jeunes femmes en 1iere année de collège, confirme qu’il existe une relation positive entre la sévérité des troubles alimentaires restrictifs et la prévalence ainsi que l’intensité de l’utilisation d’alcool. Les jeunes femmes qui sont dans le groupe des régimes restrictifs sévères, non seulement boivent plus mais expérimentent plus les conséquences significatives de leurs alcoolisations comme une perte de connaissance, des rapports sexuels non souhaités. En outre, elles fument plus. Les hauts taux de dépression étaient associés à un plus bas risque d’utilisation ou d’abus d’alcool. Ni l’histoire familiale, ni l’âge précoce de consommation d’alcool ne prédisait un comportement d’alcoolisation. Il émet l’hypothèse que les sujets qui faisaient un régime sévère et qui se privaient d’un renforcement primaire créaient en eux des conditions de vulnérabilité dans laquelle la valeur de la récompense d’alternatives de renforcements (comme les substances psychoactives) sont augmentées.

 

Hypothèses d’explication des modifications du comportement alimentaire au cours du sevrage (Pr. Jean Louis Schlienger et coll, "les compensations alimentaires" in alcoologie et addictologie 2001 ; 23 (2) : 291-293).

 

L’augmentation de l’appétence pour les produits sucrés s’expliquerait par une compensation orale hédonique avec recherche par le malade d’un plaisir dont le prive l’interruption de l’alcool.

 

D’autre part, la consommation de produits sucrés élève le tonus sérotoninergique et peut compenser un déficit en sérotonine endogène à l’origine de fatigue, de somnolence, d’une tendance dépressive. Le déficit en sérotonine décrit chez l’alcoolique pourrait expliquer les relations croisées entre prise d’alcool et glucides (Moorhouse et coll "Carbohydrate craving by alcohol-dependent men during sobriety : relationshipto nutrition and serotoninergic function". Alc Clin Exp Res 2000 ; 24 : 635-643)

L’alimentation peut être considérée comme un élément de régulation d’un état thymique négatif.

 

Jean-Luc Venisse ("Pertinence du concept d’addiction dans les troubles du comportement alimentaire" chapitre 100 du traité d’addictologie, pages 650-654) évoque aussi les propriétés pharmacogéniques éventuelles de certains aliments permettant de discuter les liens entre toxicomanie et TCA, notamment en ce qui concerne la dépendance au sucre (carbohydrate cravers) susceptible d’auto traiter une dépression saisonnière périodique ou encore les chocolatomanies.

 

Certains stress peuvent augmenter l’appétit par l’intermédiaire des opiacés endogènes dont la sécrétion est augmentée lorsqu’on mange des aliments savoureux (en général gras et sucrés) (Dr Fricker, "les troubles mineurs du comportement alimentaire" ; in addictions, septembre 2006 N°15).

 

 

    1. Aspects cliniques et physiopathologiques de l’association de TCA et de la
      dépendance alcoolique

 

  • D’un point de vue comportemental, la boulimie comme l’alcoolisme, est caractérisée par la mise en acte inlassablement répétée qui vise à soulager un état de tension interne et qui survient en cachette.

 

  • D’un point de vue psychodynamique, l’alcoolisme et les TCA traduiraient un déficit de fonctions du Moi et des ressources internes qui ne peuvent plus réguler de façon satisfaisante les affects et les états de tension interne. Ainsi, la consommation de produit (alcool ou nourriture) devient une préoccupation quasi obsédante interférant avec le fonctionnement quotidien et limitant les investissement sociaux et affectifs des sujets. Ces conduites se poursuivent malgré leurs conséquences négatives, en partie du fait d’un mécanisme de déni qui rend difficile la demande de prise en charge (D. Miocque et M. Flament ("troubles du comportement alimentaire et alcoolisme" in synapse n°167, juin 2000).

 

Dans les deux cas, il y a pulsions, perte de contrôle, modification de l’activité quotidienne privilégiant la recherche ou la consommation du produit, des échecs de contrôle ou d’arrêt de ces conduites (Lahmek,"comment gérer les compensations, les transferts de dépendances et les associations d’autres dépendances psychoactives" ; in alcoologie et addictologie 2001 ; 23 (2) : 294-310).

R. Eiber et coll ("relation entre addiction et troubles du comportement alimentaire". Le courrier des addictions (1), n°2, mars 1999) évoque certains signes communs entre addictions et trouble alimentaires : préoccupations morbides envahissantes, perte de contrôle, dysfonctions cognitives, conséquences somatiques, socioprofessionnelles et financières.

 

  • Sur le plan des différences, Jean-Luc Venisse ("Pertinence du concept d’addiction dans les troubles du comportement alimentaire" chapitre 100 du traité d’addictologie, pages 650-654) l’efficacité du symptôme anorexique dans les formes restrictives pures, pour éviter l’épreuve de la discontinuité à laquelle n’échappe pas le toxicomane qui est sans cesse en proie à la peur du manque et dans l’anticipation du manque proche).

 

M. Flament, D. Miocque (alcoolisme et troubles du comportement alimentaire in alcoolisme et psychiatrie, Masson, 2003, page 135-151) évoque chez les sujets présentant des conduites alcooliques ou des conduites boulimiques, des caractéristiques communes, notamment l’impulsivité et la perte de contrôle face à l’objet d’addiction. Lacey et coll ("The impulsivist ; A multi-impulsivie personnality disorder. Br J Add, 1986 ; 81 : 641-649") ont décrit une forme multi impulsive de boulimie dans laquelle plusieurs comportements pathologiques sont associés : boulimie, alcoolisme et/ou toxicomanie, tentative de suicide, conduites d’auto-mutilation, promiscuité sexuelle, kleptomanie.

 

Lahmek évoque la coexistence de la boulimie et de l’alcoolodépendance lors de certains des facteurs favorisants comme les troubles anxieux, l’inhibition psychomotrice, les troubles de l’affect (gestion du stress et des émotions), (J. ADES, C. Rondepierre, "troubles des conduites alimentaires et alcoolisme", alcoologie, N°1- 1989).

L’impulsivité, l’immaturité, la quête de sensation, la rigidité de la pensée.

 

Il existe une hétérogénéité des personnalités chez les patients boulimiques,

Les profils de personnalité les plus comparables ont été retrouvés chez les patientes consommatrices d’alcool ou de drogues et chez les femmes boulimiques consommatrices d’alcool ou de drogues (Shisslak et coll, "eating disorders and substance abuse in women : a comparative studyof MMPI patterns", J Substance Abuse, 1989 ; 1 : 209-212).

Certaines études (M. Flament, D. Miocque "alcoolisme et troubles des conduites alimentaires" Alcoolisme et psychiatrie, Masson, 2003, p 135-151) ont retrouvé chez les patientes boulimiques consommatrices d’alcool, une prise plus importante de diurétiques (contrôle du poids), plus de difficultés financières et professionnelles, plus de vols, plus de tentatives de suicide, plus de traitements hospitaliers, plus de troubles dépressifs, une plus mauvaise estime de soi. D’autre part, chez les patientes traitées pour une dépendance alcoolique, les antécédents de boulimie sont associés de manière significative à un début précoce de l’alcoolisme, à une consommation atteinte plus rapidement et à un poids plus faible.

 

Sur le plan neurobiologique :

 

Klein et coll ("problems of boundaries and comorbidity". In : Costello CG, editor. Basis issues in psychopathology. New York : Guilford Press, 1993 : 19-66) évoque le fait que la boulimie et alcoolodépendance seraient l’expression d’une même pathologie sous jacente comme un trouble du système opioïde régulant à la fois les prises d’aliments et d’alcool.

Selon Jean Luc Venisse ("Pertinence du concept d’addiction dans les troubles du comportement alimentaire" chapitre 100 du traité d’addictologie, pages 650-654), le jeûne comme les excès de suralimentation stimulent la production d’endorphine, ce qui permet de considérer l’anorexie mentale à certains égards comme une toxicomanie endogène. Il évoque la notion "d’orgasme de la faim". De nombreuses incertitudes persistent sur les points renvoyant à la place des opiacés endogènes dans le contrôle de la prise alimentaire, même si l’on sait plus globalement que des mécanismes neurobiologiques communs aux addictions avec ou sans drogue sont repérables, notamment au niveau d’une activation des circuits dopaminergiques mésolimbiques de récompense.

 

  • Etude française sur la boulimie (Réseau de Recherche Clinique INSERM n° 489014) M. Flament, D. Miocque "alcoolisme et troubles des conduites alimentaires" Alcoolisme et psychiatrie, Masson, 2003, p 135-151).

 

Etude multicentrique sur la boulimie qui a associé 20 services spécialisés dans le traitement des TCA en France, Bruxelles et Genève (368 femmes et 10 hommes répondant au diagnostic de boulimie du DSMIV). Une partie du protocole portait sur la consommation occasionnelle de substances psychoactives.

La prévalence vie entière de la consommation d’alcool chez les sujets boulimiques est de 13 % et prévalence actuelle de 8 %. Age moyen de 28,7 ans pour les patientes associant boulimie et consommation d’alcool, de 24,4 pour les autres

Sur le plan de la sévérité, les boulimiques consommatrices d’alcool semblent plus sévèrement atteintes, elles utilisent plus de laxatifs et de diurétiques.

Les troubles des conduites psychopathologiques associées (dépression, anxiété, TS, conduites à risque, accidents graves, symptômes anorexiques, tabagisme, fonctionnement mental de type "état limite" et multi- impulsivité) sont beaucoup plus fréquents dans le groupe boulimiques + alcool et les hospitalisations en psychiatrie sont plus fréquentes. On note plus de difficultés socio-professionnelles chez celles consommant de l’alcool.

Une augmentation de l’appétit faisant suite aux prises d’alcool était retrouvée.

 

    1. Modalités évolutives

 

Lahmek ("comment gérer les compensations, les transferts de dépendances et les associations d’autres dépendances psychoactives" ; in alcoologie et addictologie 2001 ; 23 (2) : 294-310) évoque le fait que l’existence d’une alcoolodépendance fait partie des facteurs prédictifs d’une évolution péjorative, que la présence d’une dépendance alcoolique ou d’un abus aggrave le trouble alimentaire, soit par l’ajout de complications propres au problème alcool soit par la plus grande sévérité du TCA. Le pronostic vital de l’association alcoolodépendance-TCA semble plus péjoratif compte tenu des effets synergiques négatifs de la consommation d’alcool et de la dénutrition sur l’état somatique.

 

Pour ce qui est d’un transfert de dépendance, de compensation, il n’y a pas d’étude significative, la relation temporelle entre les deux affections reste mal connue.

L’association TCA-dépendance alcoolique ou abus d’alcool, si elle peut influencer l’évolution du TCA, ne semble pas modifier le pronostic de l’alcoolodépendance.

 

Dans l’étude française sur la boulimie, la présence d’une consommation d’alcool chez les patients boulimiques semble représenter un facteur de gravité (D. Miocque, M. Flament "troubles du comportement alimentaire et alcoolisme", Synapse, N°167, juin 200). Dans l’évolution, la conduite d’alcoolisation peut remplacer la conduite boulimique mais le plus souvent, les deux pathologies restent très liées au cours de l’évolution, l’amélioration de l’un entraînant l’aggravation de l’autre, ou les deux évoluant dans le même sens.

 

M. Flament, D. Miocque (alcoolisme et troubles du comportement alimentaire in alcoolisme et psychiatrie, Masson, 2003, page 135-151) évoque à travers une revue d’études, davantage de conduites alcooliques chez les sujets non guéris de leur boulimie que chez les sujets guéris. Ils parlent aussi de l’effet déshinibiteur de l’alcool sur la prise alimentaire, pouvant faire penser que l’alcool peut interférer sur la capacité des sujets à contrôler les crises de boulimie et les comportements de purge, favorisant ainsi les rechutes boulimiques.

 

    1. Conséquences thérapeutiques

Il n’existe pas de thérapeutique validée, reconnue lors de la coexistence d’une alcoolodépendance et d’un TCA, mais la plupart des auteurs s’accordent pour une prise en charge mixte : addictive et nutritionnelle, par des équipes habituées à ces deux pathologies (Lahmek, M. Flamente et D. Mioque)

M. Flament et D. Miocque insistent sur une prise en charge précoce, par une équipe pluridisciplinaire :

 

  • Une approche nutritionnelle comprenant une composante comportementale (modification des comportements pathogènes), une approche cognitive (correction des dysfonctions cognitives majeures touchant le corps et l’aliment), une approche somatique objective ("les troubles du comportement alimentaire". Christine Vindreau. Chap. 101 du traité d’addictologie. Médecine-sciences-flammarion).

 

  • Une approche corporelle proposant un travail sur l’image corporelle (C. Vindreau).

 

  • Les TCC axées sur les deux pathologies (Lahmek, C Vindreau).

 

  • Un traitement antidépresseur par les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine qui ont montré une diminution de la fréquence et de l’intensité des accès boulimiques. Un traitement antidépresseur est évidemment indiqué chez le sujet déprimé. (D. Miocque ; C. Vindreau).

 

  • Psychothérapie individuelle (longue et complexe) et/ou de groupe pouvant aider les patients à repérer leurs troubles à travers un mécanisme d’identification et les aider à lutter contre des mécanismes de déni (D. Mioque).

 

  • Pour les gens jeunes, une thérapie familiale peut être proposée (D. Mioque)

 

S. Dawe et all montrent dans une étude (Case report : treatment of a woman with alcohol and binge eating problems, Behav Ther Exp Psychiatry 1998 sep ; 29) comment un traitement basé sur une approche cognitive et comportementale, avec une approche basée sur l’exposition, a pu permettre de traiter avec succès une femme avec une histoire de boulimie et de dépendance à l’alcool. A 12 mois de suivi, il existait une diminution de la prise d’alcool et des épisodes de boulimie avec vomissements.

 

Elayne S. Daniels et coll (Boulimia nervosa and alcohol dependance in Journal of substance abuse treatment, V 17, Nos 1-2, pp 163-166, 1999) à travers le cas d’une patiente de 34 ans, avec une histoire de boulimie depuis 20 ans associée à une dépendance alcoolique, incluse dans un essai visant à tester une stratégie pharmacologique chez les patientes ne répondant pas à un traitement par fluoxétine, montre que la patiente, alors qu’elle avait bénéficié de plusieurs traitements pour sa boulimie, alors qu’elle a reçu dans cette étude une placébothérapie, a bien répondu au travail psycho éducatif réalisé autour des conséquences néfastes de son addiction à l’alcool et de l’impact négatif de ce comportement sur sa boulimie. La patiente a attribué ses progrès sur sa boulimie à son abstinence par rapport à l’alcool. Ce cas suggère que le traitement de l’addiction à l’alcool doit être associé au traitement des TCA et que l’abstinence à l’alcool peut faciliter la diminution de la symptomatologie de la boulimie.

Mise à jour le Samedi, 18 Septembre 2010 23:48