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Larinier - tabacologie...

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LES BASES CONCEPTUELLES DE LA TABACOLOGIE

Dr Elisabeth LARINIER, médecin tabacologue, C2A Lyon, CCAA de Valence (Drôme).

octobre 2003

Introduction

De la consultation anti-tabac à l’aide au sevrage tabagique, puis à l’aide à l’arrêt du tabac… Pour arriver à la tabacologie… Un chemin rapidement parcouru…

La tabacologie est un peu (encore pour quelques temps ?) la nouvelle venue dans le champ des addictions. Il existe encore des résistances à la considérer sérieusement puisque la plupart des fumeurs ne sont pas identifiés comme dépendants problématiques...

Pour résumer,

En ce qui concerne le tabac,

  • Presque tous les consommateurs sont dépendants. L’usage simple est rare chez l’adulte. On ne sait pas distinguer l’usage nocif de la dépendance.
  • Un produit facile d’accès et très banal.
  • Un produit dont l’image sociale a été longtemps positive y compris pour les personnes dépendantes. Cette image est entrain de se modifier.
  • Une dépendance de masse.

 

Le tabac : un produit complexe et encore mal connu

La combustion du tabac produit plus de 4000 substances.

  • phase gazeuse
  • phase particulaire

La mieux connue d’entre elle est la nicotine.

En l’état actuel de nos connaissances, la nicotine est la principale substance addictogène du tabac. En revanche, elle n’est que peu impliquée dans la survenue des dangers.

Les substances dangereuses sont le produit de la combustion du végétal « tabac »… Comme de tous les autres végétaux…

La fabrication des cigarettes a fait l’objet de manipulations pour favoriser l’adhésion des femmes à la consommation de tabac… (Cigarettes légères[1]) ou pour renforcer l’affinité de la nicotine pour les récepteurs nicotiniques.

La nicotine est-elle une drogue[2] ?

La nicotine est un poison. Elle était utilisée comme insecticide.

Les effets de la nicotine sur le système nerveux périphérique sont plutôt aversifs (nausées, lipothymies, tachycardie, malaise général). C’est chez ceux chez lequel ce syndrome est maximal que l’on retrouve le plus grand nombre de personnes dépendantes.

Au niveau central, la variation brutale de la concentration de nicotine intracérébrale stimule les récepteurs cholinergiques présynaptiques des neurones dopaminergiques du système de récompense (en 7s, la nicotine est dans le cerveau). Chez les fumeurs dépendants de la nicotine, une augmentation du nombre de ces récepteurs est observée.

Les effets psychotropes de la nicotine sont ténus !!!  La dose psychoactive de nicotine est très proche de la dose aversive. Pour obtenir ces effets psychoactifs, fumer fait l’objet d’un véritable apprentissage. Lorsque la dépendance nicotinique existe, le plaisir majeur de la cigarette est surtout l’arrêt du déplaisir du syndrome de manque de nicotine.

Au fur et à mesure des consommations, le fumeur va se « mithridatiser » par l’absorption de quantités minimes de poison, de façon répétée.

La tolérance à la nicotine va alors apparaître, de même que l’accoutumance. La dépendance s’installe. Celle-ci est toujours psychologique et gestuelle avant d’être nicotinique.

Il n’est pas exclu que l’effet psycho actif soit lié à d’autres substances contenues dans la fumée de cigarette. Le plaisir est aussi lié à la dimension comportementale ou psychologique, par l’arrêt de l’inconfort d’une situation, au goût, à la pratique d’un comportement oral.

Il n’y a pas de mésusage de la nicotine médicamenteuse.

Il n’existe pas de primo toxicomanie à la nicotine médicamenteuse. En revanche, la dépendance aux gommes existe[3].

Les objectifs de la tabacologie :

Accompagner les fumeurs qui le souhaitent à la réalisation de ce qui doit rester leur objectif personnel : l’arrêt du tabac.

Fournir aux fumeurs les aides médicamenteuses adaptées rendues nécessaire par leur dépendance physique ou une pathologie intercurrente.

 

Les traitements médicamenteux :

Le traitement nicotinique substitutif a pour objectif de supprimer les symptômes physiques du manque.

Le test dit test « de Fagerström », a partir de données comportementales, permet de sélectionner les fumeurs qui pourront bénéficier des traitements nicotiniques[4].

Les items les plus discriminants sont

  • Le délai écoulé entre le réveil et la première cigarette
  • La consommation de plusieurs cigarettes les unes après les autres en début de matinée.

La proposition de substitution nicotinique sous forme de dispositif trans dermique est pertinente parce que :

  • Ce traitements, faciles d’utilisation s’avèrent sans danger.
  • L’efficacité sur les symptômes physiques du manque est totale si la dose est adaptée. (Je déplore personnellement que leur efficacité ait été évaluée par l’abstinence et non sur la persistance de ces symptômes).
  • Les récepteurs nicotiniques s’inactivent en 3 à 4 semaines. La dépendance au patch de nicotine n’existe pas.
  • La seule contre-indication est l’allaitement, puisque la nicotine est concentrée dans le lait maternel. C’est une précaution contournable, la nicotine médicamenteuse est toujours moins dangereuse que celle consommée sous forme de fumée de tabac.

 

Le Bupropion (ZYBAN®), initialement proposé comme un traitement de la dépression, cette molécule noradrénergique et dopaminergique, a diminué l’appétence pour le tabac des personnes qui l’ont utilisée. Comme antidépresseur, cette molécule n’a pas été retenue. Elle a en revanche fait la preuve d’un certaine efficacité dans l’arrêt du tabac.

Il y a de nombreuses contre-indications et précautions d’emploi et de nombreux effets secondaires.

L’utilisation des thérapies comportementales et cognitives (TCC)

L’arrêt du tabac est un apprentissage. Les thérapies comportementales et cognitives dans leur dimension pédagogique apportent des outils utiles. Ces outils ont été facilement utilisables par des tabacologues qui ne viennent pas des milieux « psy » pour la plupart d’entre eux.

Conclusion :

Alcoologie et tabacologie mettent en oeuvre des démarches similaires auprès des personnes dépendantes.

Les principes qui sous tendent notre travail sont souvent mal connus des patients et des soignants. Un travail de formation important doit être accompli en tabacologie.

 


[1] Debrois P., Conception et construction des cigarettes légères, Revue de l’association pour la recherche sur les nicotianées, 1995, 14-21

[2] Molimard R. Le tabac n’est pas une drogue, la nicotine non plus. Le courrier des addictions 2002 ; 4 :131-2

Lagrue G. La cigarette est une drogue, la nicotine aussi. Le courrier des addictions ; 5 : 47-48

[3] Murray R, Bailly W, Daniels K et al. Safety of nicotine prolacrile gum used by 3094 participants in the lung health study. Chest 1996 ; 438-45.

[4] Fagerström K O., Mesuring degree of physical dependance to tobacco with reference to individualization of treatment, Addictive behaviors, 1978 ; 3 : 235 – 241.

Mise à jour le Mercredi, 07 Décembre 2011 16:51