Groupe Interalcool Rhône Alpes

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Bourquin - rôle AS...

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Journée Conférence Atelier au Centre Médical BELLECOMBE L’ESPERANCE  avril 2004

LE ROLE DE L’AIDE-SOIGNANT par Monsieur Pierre BOURQUIN


INTRODUCTION

Je m’appelle Pierre BOURQUIN, je suis A.S à l’Espérance depuis 9 ans et serai aujourd’hui le représentant de mes collègues. Nous sommes 7 A.S : 5 de jour et 2 de nuit sur l’ensemble de la semaine.

Je remercie tout d’abord le GROUPE INTERALCOOL  d’avoir retenu la proposition que j’avais faite de présenter la place de l’aide-soignant au sein d’une unité d’alcoologie.

Petit historique :

Il y a 10 ans, l’Espérance était encore un centre de soins de suite, de la convalescence avec des pathologies diverses, et plus spécifiquement de la pneumologie.
C’était donc un service qui me convenait bien car la formation au D.P.A.S que je venais d’acquérir nous prépare particulièrement aux services de médecine et de gériatrie.
Le service était dirigé par Me SALAMAND, médecin gériatre, qui venait de se spécialiser comme médecin alcoologue. Elle avait l’intention de créer un nouveau service. Il a vu le jour, dans un premier temps au quatrième étage sur la base de 14 lits. Puis très rapidement les 50 places furent transformées en lits d’alcoologie.
Pour cette nouvelle orientation, on fit appel au volontariat. Une nouvelle équipe se mit petit à petit en place. Nous avons pris rapidement conscience qu’il ne fallait pas rester dans le schéma hospitalier traditionnel : surveillante, I.D.E, A.S, A.S.H. mais que la qualité des soins dépendait d’une EQUIPE et de sa dynamique.
Dans cette équipe les différents membres doivent être volontaires, formés à l’alcoologie, stables et d’un tempérament optimiste.

1° Volontaire : être intéressé par l’Alcoologie et par le soin relationnel (pour s’impliquer dans une relation d’aide, cela exige des motivations et un investissement personnel d’où le désir sincère de travailler en alcoologie.). Je rajouterai même avoir fait le point nous même sur nos tabous avec l’alcool.
2° Formé à l’alcoologie : l’équipe a reçu une formation intra-muros avec Me SALAMAND, les psychologues et un travail personnel d’information.  
Egalement une formation en externe avec des stages( INFIPP) et des échanges avec des centres de cure( L’ETRAT, GROSDEKK, CABRIS…) Personnellement, j’ai profité au maximum de cette période et depuis l’équipe n’a de cesse de se tenir informée et il n’y a pas une année où l’on ne va pas visiter une structure pour apprendre et échanger. (L’année dernière : MARIEN BRONN)
3° Stable : dans les deux sens du terme
a-    être bien structuré psychologiquement et pouvoir gérer les situations difficiles
b-    Stable dans le temps, car les dispositions s’améliorent avec l’expérience.
4° Etre optimiste : c’est savoir-faire passer son élan vital, stimuler les patients tout en étant dans l’empathie ( pas de jugement, être tolérant et être à la bonne distance.)

J’ajouterai un petit plus : avoir des capacités organisationnelles. Comme nous allons le voir, le rôle de l’A.S est bien défini au sein de l’équipe. Il travaille très souvent en binôme et de façon intelligente (cohérente ?) avec l’I.D.E.

1- ACCUEIL : temps fort, accueil individualisé.

•    Rôle habituel de l’A.S consiste à l’entretien du mobilier et l’hygiène de la chambre.
La première des choses, est que le patient se sente attendu… chambre accueillante, literie, toilettes, électricité fonctionnelle, pas de chaise sur le lit, rideaux ouverts, présence de serviettes et d’un livret d’accueil.

•    L’accueil proprement dit : c’est se mettre à la place du nouvel entrant.
-    Peur de l’inconnu ( je vais où ), nos locaux peuvent paraître vieillots à l’arrivée
-    Peur du regard de l’autre
-    Peur de perdre la face
-    Peur de l’amalgame avec le poivrot, le moins que rien, le déchet
-    Peur d’être enfermé ( image d’Épinal : H. psychiatrique )
-    Peur du manque, qu’est ce que la vie sans alcool
-    Sentiment d’abandon, rupture affective
-    Sentiment de culpabilité, surtout chez la femme qui laisse ses enfants

Après avoir pris conscience de tout cela, on se doit d’être :
1 *disponible physiquement : être à l’entrée, prendre le temps nécessaire. Il faut pour cela s’être suffisamment avancé dans son travail pour être là.
*disponible dans sa tête : quelle est l’appréhension du patient, identifier son angoisse
*Avoir de l’empathie : bienveillance  }
tolérance       }
Pour se faire, il faut aller à sa rencontre, l’aider à porter ses bagages. Un climat de confiance doit s’établir (un sourire, une parole gentille), le malade alcoolique est très sensible à ces petites attentions. « Trop souvent rejeté, il ressent toute trace de mépris ».
Selon LE Dr GONNET, il faut recevoir le patient comme un hôte de marque : c’est essentiel d’avoir cet état d’esprit.
«  Bonjour Monsieur (Madame), nous vous attendions. »
A l’Espérance, le vous est une marque de respect, le malade a soif de considération.

2 * Après l’accueil administratif, l ‘A.S est à nouveau disponible pour le patient, il va servir de point de repère, il va se montrer rassurant . Ainsi il va permettre au malade de déculpabiliser, de faire tomber cette honte, maîtres mots des premières heures, des premiers jours. «  vous avez utilisé l’alcool comme médicament, comme une béquille. Nous ne sommes pas là pour vous juger, mais pour vous aider. » On doit percevoir un « OUF » intérieur, la confiance s’installe.

3 * Après l’accueil proprement dit:

•    Présentation de la salle à manger et des horaires de repas ( 50 patients. Mixité)
•    Présentation de la chambre (ch. Double avec quelqu’un du même groupe si possible), des terrasses ou « cures » permettant des rencontres avec les autres, de fumer une cigarette, les chambres communiquant avec les terrasses.                                                                                      
« J’AI TROUVE UN CADRE CHALEUREUX ».
•    Récupération des médicaments et parfums pour les protéger d’eux même, sur une base de confiance. On ne fouille pas leurs bagages. « Confiez-nous vos médicaments ».
•    Présentation succinte de l’unité, en rappelant que tous les patients ici présents ont tous un problème avec l’alcool. Notre travail s’effectue en collaboration avec l’infirmière qui va venir lui rendre visite afin de lui présenter son parrain ( patient présent depuis plus de 8 jours) qui l’aidera à se repérer les premiers jours, et aussi le contrat de soins, notre base de travail.
•    Présentation de la permanence infirmière, où le patient viendra prendre ses médicaments devant nous un quart d’heure avant chaque repas. Nous lui expliquons aussi le fonctionnement de notre éthylomètre. Au cours du séjour, des contrôles seront effectuées : « c’est notre gendarme ».

C’est à ce moment là que le premier contact avec l’infirmière s’établit :
•    Nous nous  présentons, puis nous lui demandons la date de sa dernière consommation du produit alcool. Selon, nous lui expliquons la nécessité de mettre en place un protocole de sevrage. Il ne s’agit pas d’une mesure « punitive » , bien au contraire. Les perfusions, qui vont s’échelonner sur trois jours, sont là pour éviter les symptômes dus au manque. Des moyens existent pour soulager ces effets secondaires, autant faciliter les choses et ne pas rendre le début de cure difficile.
•    Nous le raccompagnons à sa chambre, le laissons quelques instants s’il souhaite fumer une cigarette ou prendre une douche.
•    Tout en discutant, nous posons un petit cathéter avec la perfusion.
•    Nous présentons ensuite le contrat de soins qui va être le garant du bon  fonctionnement de la cure. Il s’agit de règles simples mais nécessaires à une vie en collectivité au sein d’une unité de soins. Tout en rappelant les notions de respect de soi et d’autrui nous allons en même temps le rassurer, le déculpabiliser.
•    Nous prenons notre temps afin d’établir un climat de confiance. On prend surtout le temps de l’écouter, de raconter son histoire et les liens qu’il a tissé avec l’alcool…
•    Nous profitons de ce moment pour effectuer le recueil de donnés, ce support nous permet de mieux connaître le patient, son parcours, ses antécédents et autres problèmes, mais aussi ses centres d’intérêts.
•    Au cours de cet entretien nous demandons au patient ses motivations pour venir se soigner.
•    La personne qui accueille est souvent le référent non institutionnalisé pour le reste du séjour. Nous insistons sur notre présence 24 heures sur 24. Notre permanence est un lieu ouvert, jamais un patient ne nous dérange. Il est toujours le bienvenu.

A l’entrée, nous sommes parfois confrontés à des CAS PARTICULIERS :

L’A.S s’adapte au comportement de la personne à son arrivée :
. Si forte alcoolisation, on écourte les formalités. Le patient ne doit pas être en manque. On l’installe rapidement dans sa chambre afin que l’I.D.E  mette le protocole de perfusion en route. Notre rôle va être de le surveiller, de ranger ses affaires, de veiller à son bien-être et de le rassurer.
. Calmer le patient exubérant.
. Rassurer celui qui est introverti.
. Pour ceux qui craquent, qui fondent en larmes, là il y a urgence… à prendre son temps. S’asseoir à côté d’eux, les féliciter d’avoir accepté de l’aide, lire 1 ou 2 témoignages de personnes qui comme eux sont arrivés avec une chape de honte, et qui n’en reviennent pas d’avoir retrouvé goût à la vie en 4 semaines. On va chercher un café, on trouve quelqu’un qui est en fin de cure pour le rassurer et dire les mots justes ( j’étais comme toi, je n’y croyais pas et maintenant je vais bien. Je suis plein d’espoir.)
. Etre à l’écoute de tout, pour transmettre à l’équipe le plus de renseignements possibles ( rôle désinhibiteur de l’alcool).
. Etre attentif aux propos du patient, le rôle de l’alcool dans sa vie.
. Si la famille est présente, son rôle (envahissante, infantilisante.
. Si le patient est entouré, ou « jeté » à toute vitesse.

PREMIERE SEMAINE :
*Explication du fonctionnement de l’unité, du contrat de soins auquel le patient va se conformer : LE CADRE, garant de la vie en collectivité. » Je me respecte, je respecte les autres ». Ce ne sont  des règles ni draconiennes, ni laxistes. Il s’agit de notions de limites, de repères sécurisants pour diminuer l’angoisse. Tout n’est pas permis pour un meilleur développement et épanouissement de chacun. L’A.S et l’I.D.E sont les garants du cadre.

Ce contrat de soins est un engagement signé, qui sera remis au médecin du groupe lors des présentations. Il représente l’acceptation des soins et la participation a toutes les réunions.
La signature  souligne l’importance de ce contrat , afin de responsabiliser le patient, de lui rappeler que c’est lui l’acteur de ses soins.

Cette première semaine la tolérance est plus grande. Il faut accéder a la demande du patient et accepter « le tout, tout de suite » pour des petites choses. Ces 8 premiers jours il faut connaître et surveiller les risques liés au sevrage, pour transmettre efficacement à l’infirmière. Surveillance des perfusions, aide à l’habillage et au déshabillage, savoir dépister les signes de manque, et être efficace en cas de crise d’épilepsie ou de pré.D.T.

Notre structure ne nous permet pas de tout voir à tout moment. Les chambres sont réparties sur trois étages. Nous ne pouvons pas être partout en même temps. L’A.S est beaucoup plus mobile de par ses activités. Etant formé à dépister toute anomalie, qu’il s’agisse de tremblements très importants, de sueurs profuses, de propos incohérents ou de perte de connaissance, l’A.S va immédiatement mettre le patient en sécurité et nous faire prévenir. Ce travail en parfaite collaboration est essentiel dans notre unité. Nous devons pouvoir compter les uns avec les autres.
De la deuxième semaine à la fin du séjour, l’A.S est la personne la plus présente auprès du patient. C’est à lui de faire remonter les informations à l’équipe. Il doit assurer  une écoute bienveillante, favoriser et entretenir le désir du malade à s’exprimer, à se confier, se libérer tout en gardant une distance suffisante.

Dès la deuxième semaine, le patient lit sa transformation dans le regard de l’autre ; s’il ne change pas  cela va alerter le soignant. Il faut être attentif aux modifications de comportement, aller auprès d’eux pour que la relation de confiance établie à l’entrée ne faiblisse pas.
On doit dépister les solitaires, les stimuler pour aller vers les autres. Oser s’exprimer.
Il faut favoriser les rencontres  pour qu’il y ait une émulation entre les anciens et les nouveaux.
Parfois, l’irritabilité, l’intolérance, l’agressivité de certains est perceptible. Il nous faut alors intervenir avant que les conflits n’éclatent. On s’isole avec celui qui s’est emporté, on écoute son point de vue sans forcément y adhérer.
Ces informations doivent remonter au plus vite au niveau de l’équipe.

2. AIDE ET EDUCATION AUX SOINS D’HYGIENE CORPORELLE ET VESTIMENTAIRE

* Education et stimulation aux actes de la vie quotidienne, au respect des règles et des limites.
Pour l’hygiène , l’A.S va aider le patient les premiers jours surtout si celui-ci a une perfusion : toilette, habillage..
Des vêtements et des produits d’hygiène seront proposés lorsque cela s’avère nécessaire.
Une aide à l’entretien du linge est organisée (lessive possible les 9 premiers jours).
L’A.S va stimuler la personne pour qu’elle retrouve le plaisir d’être propre, rasée (ou maquillée), habillée et coiffée. Pourquoi remettre une douche au lendemain alors qu’elle peut se prendre le jour même ? C’est le réapprentissage d’un rythme de vie : à 8 heures lavé, habillé correctement

Surveillance et stimulation des gestes simples de la vie de tous les jours :
•    Faire convenablement son lit.
•    Ranger sa chambre, son armoire, sa table de nuit.
•    Avoir une salle de bains présentable, et tout cela avant 9 heures.
Tout cela replace le patient dans le quotidien et favorise le retour à une vie sociale.

L’A.S entre tous les matins dans les chambres pour le change hebdomadaire des draps et du linge de toilette ainsi que pour la distribution journalière de l’eau. Là on s’aperçoit si le patient gère le quotidien où s’il fait preuve de passivité, s’il s’ennuie… C’est encore une occasion de le voir en aparté pour l’écouter et le recadrer si nécessaire. On lui rappelle les règles et limites du cadre de soins afin que la cure soit profitable à tous. Ainsi une relation sentimentale est déconseillée car elle pourrait nuire au bon déroulement du séjour.

Pour les repas, l’A.S contrôle les régimes, il installe les nouveaux arrivants, mais surtout s’arrange pour que tous les groupes soient bien répartis, que des échanges s’établissent entre anciens et nouveaux.
L’A.S conseille et insiste sur l’importance du repas. Il s’agit d’un moment de convivialité où l’on prend le temps de goûter ce que l’on a dans son assiette, on échange les impressions de la journée… Après le repas on boit un café tranquillement.

Aide à la nuit
Après 23 heures, l’A.S s’assure que le calme est revenu, que chaque patient a réintégré sa chambre. Une heure de « coucher » a été instaurée car le patient a besoin de repos, certains avaient perdu la notion de sommeil.
Le malade sait qu’il peut à tout instant sonner ou venir à la permanence infirmière. La nuit est parfois moment difficile à gérer. Il va pouvoir exprimer ses angoisses, les verbaliser. La parole aide à déculpabiliser et favorise ainsi le retour au calme et à l’endormissement.   

CONNAISSANCES DES ACTES PROFESSIONNELS

Dans notre unité le travail s’effectue en binôme  entre l’A.S et l’I.D.E, nos rôles sont complémentaires.
Pour cela, l’aide-soignant doit connaître les risques et les complications liés à la maladie alcoolique, ce qui se traduit entre autre par :

•    Surveillance des signes de manque, les risques de crise d’épilepsie et de D.T. Connaître les gestes d’urgence.
•     Surveillance des perfusions.
•    Surveillance des régimes
•    Contrôle du poids et de la tension
•    Contrôle de l’éthylomètre ( notre gendarme).
•    Surveillance de la prise de médicaments
•    Surveillance des comportements à risques : idées noires, repli sur soi, tension nerveuse, agressivité , les pulsions irrépressibles de boire.

Toutes ces informations recueillies sont transmises à l’équipe oralement et par écrit sur notre dossier de soins.

3- COMMUNICATION : Entretiens groupaux.

Accompagnement du patient dans ses démarches écrites, dans des activités de revalorisation.

La relation de confiance s’instaure avec des petites choses : quand on sert le café ou la tisane, quand ils se détendent, que l’on plaisante sur les terrasses ou quand des fou-rires éclatent, autour d’une partie de boules ou quand on admire leurs travaux à l’atelier.
Un lien se crée, ils se refont confiance et ces échanges au quotidien permettent de retrouver une place sociale, d’être à la bonne distance avec les autres.

Les A.S diffusent une dizaine de films au cours du séjour ; il nous faut :

•    Recentrer leur attention sur le sujet et son importance
•    Ecouter les premiers commentaires
•    Redécouvrir leur capacité à s’exprimer librement, et à rentrer à nouveau en relation.
•    Expliquer ce que l’on attend d’eux, le travail personnel qu’ils auront à faire.
•    S’assurer qu’ils ont compris, proposer notre aide à ceux qui rencontre des difficultés d’écriture ou de formulation. Le plus souvent  ils nous sollicitent lorsqu’ils sont débordés par les émotions que le film a ravivé. On prend  le temps d’en parler, de s’isoler quelques minutes pour une « écoute active » , afin d’entendre et non pour laisser dire. Ce type d’information va être transmise à l’équipe soignante et plus particulièrement aux psychologues. De notre côté, nous incitons le patient à prendre rendez-vous auprès de la psycho pour évoquer ce ressenti.

Certains des films sont suivis de débats assuré par le personnel infirmier. Nous demandons aux patients d’exprimer devant le groupe le travail qu’ils ont réalisé, cela leur permet de prendre de l’assurance et d’apprendre à écouter l’autre. Pour ce faire, il est important que chacun est un temps de parole. Il ne suffit par de répondre : «  Untel a dit la même chose que ce que j’ai écrit », non chacun a ses propres mots pour exprimer son ressenti, notre rôle consiste donc à veiller à ce que chaque patient est sa place dans le groupe. Une participation active nous semble très importante.

L’A.S présente le questionnaire motivationnel en fin de première semaine. Il sert à faire le point sur leur état d’esprit et leur motivation en début de cure.
C’est une première approche du travail personnel qui va leur être demandé :

•    Qu’avez-vous trouvé comme avantage dans votre consommation d’alcool ?
•    Qu’avez-vous trouvé comme inconvénient dans votre consommation d’alcool ?
•    Qu’imaginez-vous comme avantage dans l’abstinence ? ( l’abstinence et après ?)
•    Qu’imaginez-vous trouver comme inconvénient dans l’abstinence ?
•    Il faut aussi intégrer le fait que « je viens me soigner », amener donc le patient à se réapproprier son histoire, devenir son propre thérapeute même si nous allons l’aider. Il ne doit pas subir la cure, mais en être le principal acteur.

Pour réaliser ce questionnaire, chacun s’isole aux quatre coins de la salle, et nous passons de l’un à l’autre pour stimuler leur attention, encourager, revaloriser, déculpabiliser ceux qui ont des difficultés d’orthographe ou qui sont illettrés.
Le patient doit parvenir à parler de lui sans se sentir jugé.

L’A.S est toujours présent lorsque des intervenants extérieurs  viennent rencontrer les patients : Associations, Psychologue des C.C.A.A, Substitut du procureur, Diètétitienne, Tabacologue, pour assurer la discipline, apaiser ceux qui s’emportent, relancer les débats.  

4 - AUTRES ACTIVITES

•    La bibliothèque :
Elle est ouverte tous les soirs afin de retrouver le plaisir de lire, de s’évader.
Des prêts de livres, de témoignages  de malades qui sont abstinents sont proposés.
Les patients viennent souvent juste s’asseoir et échanger leurs impressions de la journée.

•    L’atelier : un lieu de vie en dehors de l’hôpital, surtout en soirée.

L’A.S remplace un week-end sur deux « notre animatrice ». Il organise des balades et ouvre l’atelier.
Il s’agit d’un atelier de création et de découverte de capacités ensevelies sous les mots : » je suis nul, je ne vaux rien ». Il ne s’agit pas de faire de l’occupationnel, il faut que le patient trouve du plaisir à créer, réaliser pour qu’il est envie de continuer ensuite. Le temps pris par l’alcool était important, il va falloir mettre quelque chose à la place.

•    Salon de Coiffure :

Toujours tenu par une A.S volontaire, c’est un plus devenu essentiel dans la revalorisation de son image : une autre image de soi. »Lorsque je vais rentrer chez moi, je veux que tout le monde sache que j’ai changé, que je suis différent. »
La coiffeuse est celle à qui l’on dit tout sans s’en rendre compte. Pourquoi ? Peut-être parce qu’on est entre ses mains ?

•   La réunion des familles :

Un samedi sur deux une rencontre tri-partite a lieu entre l’équipe soignante, les patients et leur famille. L’état d’esprit de l’A.S doit être le même qu’à l’arrivée du patient en début de cure. Il doit avoir vis à vis des familles beaucoup d’attention.
Ces personnes ont aussi souffert de l’alcoolisme de leur proche, ils ont besoin de paroles de réconfort et d’espoir. Il faut comprendre s’ils sont mal à l’aise.
On les remercie de leur venue, on les invite à prendre place, on leur offre un café ou un jus de fruit…
L’A.S fait parti de l’équipe, il lui arrive d’intervenir au cours du débat.

•    Courrier. Questionnaire :

L’A.S prend en charge la gestion et l’envoi d’un questionnaire trois mois après la cure. Il classe le courrier, en informe l’équipe et très souvent envoie un petit mot de remerciement, de félicitation ou d’encouragement.

5 - HISTORIQUE ET DECOUVERTE DU SITE : LES BALADES

C’est une grande chance de travailler à l’Espérance car l’initiative est encouragée et chacun dans son domaine peut faire des propositions et lorsque celles-ci entrent dans une démarche de soin elle est acceptée et partagée par l’équipe.

Je suis amoureux de mon pays et essaye de le faire partager auprès des malades.
C’est « l’historique et la découverte du site » , intervention que je fais le premier dimanche.
C’est une façon de leur souhaiter la bienvenue et de leur montrer qu’en dehors de leur problématique alcool, il y aura aussi des moments de détente . Avec comme supports de nombreux documents, photos, C.P, objets curieux, je leur raconte l’histoire de l’Espérance et également l’histoire hors du commun de la station climatique avec des tas d’anecdotes amusantes, cocasses. Puis il s’agit aussi de les rattacher à une histoire qui sera un peu la leur. Le passage à l’Espérance est forcément quelque chose qui va les marquer ( liens d’amitié en groupe…).
L’Espérance : j’y suis né ( Jean-Paul en 97)
Beaucoup voient en l’Espérance l’image de leur maison, là ou ils ont commencé à se reconstruire et tous les symboles qui s’y attachent.

Dans un deuxième temps, je leur donne envie de parcourir dans un rayon de trois kilomètres autour de l’Espérance, les nombreux chemins de randonnée et de profiter de cette nature à portée de mains dès qu’ils auront l’autorisation de sortir et du temps de libre. Cette preuve de confiance les valorisent énormément.

Deux fois par semaine, le mercredi matin et le samedi après-midi , les balades sont obligatoires. Ce qu’ils ont entraperçu  virtuellement, ils vont le vivre sur le terrain. Ces balades se font toujours à deux avec Annick notre « kiné » pour s’adapter aux difficultés de chacun.
Une promenade, ce n’est pas regarder le bout de ses chaussures et marcher deux heures. La première fois, surtout si le temps est incertain, on entend râler au sein du groupe. « Cela ne me dit rien, j’ai pas envie d’y aller », d’autant plus que la consigne est : « pas de cigarette ». Et là on commence à mettre ses sens en éveil. Cette balade pour beaucoup est une redécouverte de ses capacités physiques et de son ressenti corporel. Dans cette nature intacte, il faut « chausser » ses yeux d’enfant pour y trouver selon les saisons l’or (les jonquilles), et l’argent (  les narcisses) et faire des bouquets qui décoreront les chambres. On cueillera des framboises et des mûres, bonbons gratuits si parfumés .C’est aussi la main qui caresse l’écorce lisse et grise des fayards gros comme des pattes d’éléphants.
Des éléphants nous n’en verrons pas, mais les chevreuils sûrement ou leurs empreintes dans les flaques d’eau ou dans la neige. Cet hiver en face de nous, sur le chemin, est apparue une laie et ses petits marcassins. Nous ne savons pas lequel des deux groupes a été le plus surpris.
Puis on se repose au pied des ruines du vieux moulin pour écouter les yeux fermés, le chant de sa cascade, et ainsi prendre conscience de toute la vie qui nous entoure.
C’est aussi réapprendre la communication avec les autres, car les haltes sont nombreuses et nous ne sommes plus pressés maintenant. Nous échangeons avec les premiers et la conversation se poursuit avec les derniers sans même sans n’apercevoir. Lorsque l’on marche on se vide la tête et on ouvre son cœur.
Et puis ces cadettes, grosses pierres, qui délimitent les champs. Que de sueur pour les mettre en place à une époque où la terre avait une autre valeur. Et ce four accolé au lavoir, pas bêtes ces anciens.
En partant il faisait frais. On baissait la tête. Maintenant le soleil amené par une petite brise, est une vraie caresse. Les poumons se gonflent pour deviner ce qui sent aussi bon. Devant nous il y a bien ce tilleul majestueux dit de Sully âgé de 400 ans et tout en fleurs.
Mais il faut bien rentrer. Au fait, à quand la prochaine balade.
La dépendance à ces petits plaisirs sains et si peu onéreux n’est pas loin. Mais cette dépendance là est à consommer sans modération.


6 - LES PLUS DE L’ESPERANCE :

Rencontre avec les anciens :
Il s’agit de témoignages des malades guéris le quatrième dimanche de chaque mois de 14 à 17 heures, agrémenté d’un goûter.

Les anciens viennent toutes les fois qu’ils le souhaitent ou qu’ils le peuvent. Beaucoup le vivent comme un pèlerinage souvent un an après. Ils se présentent, précisent la date de leur cure, et parfois même le numéro de leur chambre. L’A.S et l’équipe présente ce jour là , reste en retrait car nous sommes plus émus qu’eux. Il faut dire que ces renaissances flattent un peu l’EGO de l’équipe qui puise dans ces rencontres une force, une motivation renouvelée.

Quand les témoignages débutent, on entendrait une mouche voler. I l y a une « communion », une identification, une rencontre avec son double.

Un respect tel, que l’on n’est même pas surpris d’entendre les anciens parler à cœur ouvert à des inconnus. Il faut reconnaître que l’on appartient à la même maison, avec le même vécu donc à la même famille. L’émotion est à fleur de peau quand s’expriment ceux pour qui nous étions très réservés il y a quelques mois de cela et qui irradient de bonheur maintenant. Une belle leçon d’humilité et d’humanité.
Ces mots d’espoir flottent dans l’air même s’ils sont atténués par la mise en garde de quelques uns, et des difficultés et déconvenues au retour à domicile.

C’est une réunion ou l’on ne voit pas le temps passer, même les fumeurs ont oublié leur cigarette.
Seraient-ils restés aussi attentifs pendant trois heures s’il s’était agi d’un cours ? Il me reviens une citation du livre « Le moine et le philosophe » (Mathieu RICARD- Nil éditions 1997)
« Pour pouvoir aider les autres, il faut qu’il n’y ait plus aucune différence entre ce que l’on enseigne et ce que l’on est. »

Il faut malheureusement libérer la salle à 17 heures, mais les conversations se poursuivent dehors.

7 - OUVERTURE DU CENTRE VERS L’EXTERIEUR

Partenariat avec les associations                    
( Balade d’été à la rencontre des associations)

De ces échanges (rencontre avec les anciens), est née une véritable chaîne d’amitié et lorsqu’un événement se déroule à l’Espérance quelques coups de téléphone, et tout le monde est informé, d’autant plus facilement que beaucoup de malades guéris adhèrent à des associations
.
Pendant la cure, le patient est amené petit à petit à appréhender le futur et à se projeter dans l’avenir. Nous devons le persuader de l’importance d’un suivi lors de sa sortie. Des associations interviennent justement dans ce but au cours du séjour.

Du succès de nos balades et des rencontres avec les anciens est née l’idée d’aller une journée entière à la rencontre des associations sous la forme d’une excursion suivie d’une promenade à pied tous ensemble
Je profite de cette occasion pour remercier notre direction de soutenir cette initiative notamment financièrement (car).Ce sera la troisième fois cette année, probablement le 22 Août( la date restant à confirmer) et j’invite les responsables d’association intéressés à nous contacter s’ils souhaitent se joindre à nous.

Voilà comment cela se passe : départ en car des patients de l ‘Espérance vers un point de rencontre. Il y a deux ans, c’était les jardins de la Chartreuse d’Arvières au pied du Colombier, l’année dernière la Chapelle de la Vézeronce au cœur du plateau de Retord. En chemin quelques haltes agrémentent le voyage, patrimoine local, sites remarquables, clin d’œil à l’histoire…
Puis balade avec les associations (70 en 2003), et ce n’est pas l’image des anciens combattants. On vient en couple, avec les enfants, les chiens et on marche tranquillement pendant deux heures.
Repas sur le pré, puis témoignages et échanges pendant une heure. Il y a là ceux qui sont guéris, ceux qui se soignent et ceux qui hésitent, peut-être encore dans le déni.
Une petite parenthèse pour ces personnes qui hésitent à venir en cure. A l’Espérance nous organisons à la demande une visite individualisée de l’unité, une explication succinte de la cure. On ne dévoile pas tout parce que chaque individu va vivre sa cure différemment de l’autre, cela évite les à priori. Ils peuvent ainsi échanger avec les patients présents et au besoin on leur lit quelques témoignages. (Je ferme la parenthèse). Et l’on repart en balade.
L’après- midi, départ en car, suivi par les voitures des membres des associations et à nouveau quelques arrêts surprises : cascade, chapelle, visite de monument…
Retour à 18 heures avec mille images en tête, fatigué peut-être mais heureux de s’être convaincu que la vie ne devient pas triste et monotone dans l’abstinence.
Ces échanges confirment tout le bien qu’il y a à mieux se connaître et à travailler en réseau pour le bien du malade. Mieux il sera accompagné en amont, mieux il se soignera, tout en se consolidant en aval.
Il aura trouvé un cercle amical, des gens prêts à le soutenir.

8 - CONCLUSION

Voilà le travail de l’aide-soignant à l’Espérance. Il n’est pas négligeable, mais n’est que complémentaire au sein d’une équipe pluridisciplinaire.

Lorsque l’on aime les relations humaines, on ne peut que se passionner pour l’alcoologie. C’est ainsi que toute l’année l’équipe participe avec plaisir à tous les échanges que propose le réseau comme aujourd’hui. Parmi cette équipe, il y a quatre anciens dont je fais parti.

Très sincèrement, j’aurais vraiment aimé venir me soigner à l’Espérance, mais il y a quatorze ans de cela le service n’était pas encore ouvert, il m’a fallu aller ailleurs.


Mise à jour le Vendredi, 20 Avril 2012 08:41