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Elaborer des réponses au défi de la réinsertion de personnes alcoolodépendantes désinsérées

Thierry YON - Directeur du CHRS REGAIN

 

Le CHRS «Regain», créé en 1996, a une capacité de 30 places et une compétence régionale ; la prise en charge, dont la durée peut aller jusqu’à un an, conjugue activités thérapeutiques et activités de réinsertion par le travail et de socialisation.

L’établissement a 6 ans , c’est la fin de la période de création  (rénovation du lieu, constitution de l’équipe, mise en oeuvre d’un projet d’accompagnement original.)

1.    Défi

Ce mot fort, qui évoque les difficultés, les problèmes que pose une situation et que l’on doit surmonter, traduit au mieux, pour moi,  l’enseignement tiré de l’expérience des six premières années  de  « Regain», C.H.R.S. spécialisé pour accompagner des personnes alcoolodépendantes  désinsérées.

Le renoncement à l’alcool est un véritable défi pour les personnes car ce  produit, certes toxique quand il est consommé abusivement, a été une aide, un soutien et une source de plaisir pendant longtemps.

Il s’agit aussi du défi de se réinsérer dans une société où la consommation d’alcool fait partie des rites culturels, favorise la convivialité.  

Défi de reprendre en main son destin, d’être en capacité de se réinsérer socialement et professionnellement dans la société.
Société où l’effort consenti par l’individu, pour rompre avec cette dépendance, n’aboutit pas immédiatement à  l’accès au travail, au logement, à une vie satisfaisante.

Défi parce qu’aucune méthode d’accompagnement, aucune thérapie, n’ont fait suffisamment la preuve de leur efficacité pour se poser en modèle.

Défi enfin pour l’institution dont je suis directeur car, malgré les moyens humains et matériels mis en œuvre, force est de constater que des résidents, à la fin de la prise en charge, sont en difficulté pour assumer leur vie d’une manière autonome et sans le recours à l’alcool.
Le moment de la fin de prise en charge, et donc de la séparation, est souvent vécu douloureusement par ces personnes sur le registre de l’abandon.

Cette difficulté à se séparer questionne l’institution, l’équipe et en premier lieu le directeur sur la pertinence du dispositif d’accompagnement mis en place  et invite à la nécessaire évaluation  et évolution du projet initial.

C’est à partir de cette difficulté dans la séparation que je vous propose de partager mes réflexions.

La difficulté à renoncer durablement à l’alcool amène à se poser la question suivante :

2.    Pourquoi s’arrêter de boire ?

Pourquoi s'arrêter de boire ?
ou posé en d’autres termes : Quelles sont les contreparties, les bénéfices que va retirer la personne en échange des  efforts très importants qu’elle va faire pour rompre avec sa dépendance ?

Qu’espère-t-elle : retrouver un meilleur état de santé, vivre normalement, c’est à dire disposer d’un logement, avoir un travail qui lui procure un revenu et lui convienne, avoir une vie relationnelle satisfaisante.

Toutes ces conditions sont difficiles à remplir et nécessitent du temps pour ces personnes qui cumulent problèmes de dépendance et de désinsertion.

Je constate que le  CHRS Regain répond partiellement et provisoirement à ces demandes légitimes.

Cette satisfaction partielle de leurs besoins induit de la part des personnes une difficulté à partir de l’institution, d’autant plus qu’elles rencontrent des difficultés dans l’accès au logement, au travail et qu’elles sont isolées.

La question pourquoi s’arrêter de boire devient alors pourquoi partir ?

Je considère aujourd’hui que la dépendance à l’institution, pour ce public, est  une étape nécessaire, incontournable car on ne peut pas passer d’une dépendance forte à un produit à des dépendances multiples et équilibrées sans l’étape d’une dépendance de substitution, qui est dans ce cas « Regain ».

La dépendance à l’institution est une étape qui fait partie du processus de rupture de la dépendance à l’alcool .

Cette difficulté à investir un projet de vie autonome questionne notre pratique professionnelle car nous faisons comme si le désir d’autonomie et la capacité à être acteur de sa vie allait de soi.

Le projet est un terme particulièrement présent et à la mode dans la culture de  notre société, que ce soit au niveau individuel ou collectif. Ce terme est tellement rentré dans l’usage courant et dans notre façon d’envisager notre action qu’il n’est pas interrogé.

Le secteur des institutions médico-sociales et l’institution dont je suis responsable n’échappent pas à cet engouement du projet. L’établissement «Regain» est né à partir d’un projet, un des objectifs est  l’accompagnement des personnes pour leur permettre d’élaborer un projet de réinsertion sociale et professionnelle, de vie.
La réalité d’un nombre significatif de personnes accueillies à « Regain » montre que ce n’est pas le projet de tous et que des réponses en terme de lieux de vie, pensions de famille sont à inventer ou réinventer.

3.    Des éléments de réponse

L’évolution du processus d’accompagnement et les réponses mises en œuvre sont donc orientées par la volonté de favoriser la construction de liens sociaux hors de l’institution pour les personnes et de mise en lien de l’établissement avec l’environnement et la société.

- l’hypothèse : si l’institution et son personnel sont plus en lien avec l’extérieur, les résidents tisseront plus facilement des liens à l’extérieur.  
Le principe fondateur qui préside est RELIER ; Ouvrir, relier en tenant compte de l’usager, du personnel et de l’environnement,

Il convient donc de développer des projets adaptés dans une dynamique de lien avec la société pour sortir de la dépendance à l’institution.

1.    L’évolution de la prise en charge pour passer d’un lieu de protection à un lieu d’expérimentation en formalisant des étapes, travaillant davantage à l’intérieur la question de la séparation, favorisant l’expression de l’usager en tant que sujet ;
2.    Mettre en place des solutions de sorties alternatives : pension de famille, projet d’autoconstruction de logements sociaux…
3.    Favoriser la mise en lien des résidents avec la société par le recrutement et l’intervention de bénévoles
4.    conclusion

Pour conclure, notre travail au quotidien appelle à la modestie car, quoi que nous fassions, il est difficile (et dangereux) de faire un pronostic sur ce qui va se passer après « Regain ».
Pour autant, il est essentiel pour les équipes de ne pas se laisser contaminer par la dépression (ou développer des attitudes défensives) et de garder une capacité d’étonnement.

Mise à jour le Jeudi, 14 Mars 2013 15:14