Prise en compte des familles et de l'entourage
Vie Libre Vénissieux : Groupe entourage
Témoignage de Michel
Mesdames, Messieurs, bonjour,
Je m’appelle Michel et je suis venu vous faire part de mon expérience et vous parler bien modestement de l’entourage du malade alcoolique, et des groupes entourage qui commencent à voir le jour dans les sections Vie Libre et dont je fais partie.
Je ne vous parlerai pas de l’entourage médical, para-médical ou social du malade alcoolique qui fait bien sûr partie de sa vie, il y a ici des personnes bien plus qualifiées que moi sur ce sujet.
L’entourage dont je vais vous parler est celui dont bien souvent, un peu moins depuis quelque temps, on s’entend dire qu’il est le plus mal placé pour réussir à diriger le malade vers les soins ou pour faciliter l’après-cure et un retour vers la guérison du malade. Et pour cause ! Comment pourrait-il en être autrement ? Si le proche du malade, femme, mari, enfant, parent, est tenu à l’écart du processus.
Lors de l’alcoolisation de son malade, l’entourage est complètement perdu, il ne comprend pas toujours, pour ne pas dire presque jamais, ce qui ce passe. Il n’est pas rare même qu’on lui cache la vérité sur la dépendance de son malade. Très rapidement on devient non pas dépendant du produit alcool mais de son malade, ce qui nous ronge et nous détruit petit à petit. Alors à ce moment-là, à qui peut-on se confier, confier sa douleur, son impuissance, son désespoir. Car si le malade alcoolique a honte de sa maladie et va se cacher dans le déni, l’entourage, lui, a honte de lui-même car il culpabilise, et de son malade. On se terre nous aussi dans un déni. Et s’il est bien difficile de dire que l’on est devenu dépendant du produit alcool il est tout aussi difficile de dire que l’on est devenu dépendant d’un malade alcoolique. Dans ces conditions lorsque l’on en est arrivé là, ce n’est pas à ses proches, parents, famille, amis que l’on peut demander de l’aide. Imaginez-vous en famille en train de parler de l’alcoolisation de votre mari ou de votre femme, le plus souvent à des personnes qui ne savent rien de cette maladie et qui au contraire vont plutôt sourire du problème, et de leur demander des solutions.
Voyant bien qu’il y a un problème, à un médecin on va bien essayer de demander de diriger notre malade vers des soins, avec les difficultés que l’on connaît et l’envie de réussir qui nous ronge.
Un jour un médecin à qui je demandais : "mais qu’est ce que je peux faire" ? m’a répondu : "monsieur, je ne vois pas 36 solutions il faut vous séparer, partir, et oublier". Mais en fin de compte, malgré tous nos mauvais efforts, on le sait bien que c’est le malade seul qui décide réellement de se soigner. Alors qui va nous expliquer à nous entourage, que les soins ne sont efficaces qu’avec le contact des autres, et que l’on ne sort de la maladie alcoolique qu’avec un long travail avec les autres. Il y a bien les journées des familles qui sont organisées par les centres de cure pendant les soins, mais combien s’y rendent, pour ma part je me souviens lorsque j’y suis allé nous n’étions pas nombreux. Alors bien sur non informé, sans communication sur la maladie, l’entourage ne pourra être qu’inefficace et sa douleur encore plus grande face son échec. Si l’entourage est laissé pour compte alors oui, il sera le plus mal placé pour aider son malade.
Et c’est ce que nous essayons de faire dans nos groupes de parole, oh ! pas de se donner des remèdes miracles, chacun sait bien qu’il n’en existe pas, mais de confronter nos vécus, de parler de ce qui marche pour les uns et pas pour les autres, de quelles aides on peut bénéficier, de se renseigner sur cette maladie, de mettre en commun les connaissances et les informations de chacun. Nous essayons de soutenir ceux qui sont perdus, désespérés, de les aider à sortir de leur dépendance, de les protéger contre elle. Comme le disent les malades, devenons égoïste, pensons d’abord à nous protéger nous contre cette dépendance pour ne pas sombrer comme un malade, et ne plus être maître de notre destin. Ce sont des lieux où au moins on peut en toute liberté et sans jugement venir confier ses peines, vider son sac, souffler un peu, venir pleurer. Nous parlons de cette maladie qui nous ronge et détruit tout autour de nous avec des mots simples, les nôtres. On explique, ou tout au moins on essaie, à ceux qui ne savent pas, ou qui ne comprennent plus, avec ce que l’on a appris, et surtout vécu, pour tenter de redonner confiance, reprendre espoir, se guérir. Comme l’on dit, vivre ensemble, malade de boire et malade du voir boire.
Alors s’il vous plait, Mesdames, Messieurs, les Médecins, les Psys, vous qui œuvrez dans le social ou le médical, soignez-nous, entourage, autant que les malades alcooliques, nous en avons besoin. Envoyez-nous dans des associations comme vous le faites pour un malade et même si les associations n’ont pas de groupes spécifiques entourage, je ne pense pas que cela soit le problème. Pour ma part j’ai bien commencé à comprendre cette maladie au contact des malades bien avant de décider d’ouvrir des groupes entourages. Se sont eux qui m’ont appris d’abord que c’était une maladie, qu’elle se soigne et que l’on s’en sort. Sans eux je ne serais sûrement pas là pour vous en parler, et de toute façon le mal qui nous ronge est bien le même. A l’origine de Vie Libre le contact avec le malade se faisait avec la présence de son entourage de manière à créer une cellule autour du malade. L’entourage était alors impliqué dès le début du processus de soin. Aujourd’hui cette règle est toujours la même, mais dans notre société de plus en plus individualiste où l’on est très rapidement seul et rejeté surtout si on a des problèmes, c’est plus difficile. La création des groupes entourages n’a pas le but de séparer les malades et les autres. D’ailleurs nous nous réunissons bien moins souvent, en moyenne une fois par mois, et le reste du temps nous sommes ensemble aux permanences hebdomadaires, aux activités des sections, etc… . Ils ont plutôt pour but de nous permettre de parler de la maladie et de ses conséquences avec nos mots sans risquer de choquer les malades et de parler de nos réactions face aux problèmes rencontrés, qui sont forcément différentes de celles du malade. Comme les malades nous pouvons parler de nos parcours et nos galères dans cette maladie. Chacun doit soigner sa dépendance. Lors des premiers contacts pour certains cela peut être un plus de se trouver sans malade dans un groupe, on peut se sentir plus à l’aise. Car si ce n’est pas facile pour un malade de pousser la porte de nos associations, ce ne l’est pas non plus pour l’entourage, nous aussi nous avons honte de notre situation et de notre impuissance. Alors dans ces conditions un entourage qui sait deviendra sûrement un appui pour son malade.
En conclusion je dirais, presque une lapalissade, qu’il est plus facile d’aider les autres lorsque l’on est soi-même libre de toutes contraintes et en bonne santé morale.
Merci pour votre attention.
Expérience de l'approche des familles en groupes ouverts à l'entourage, ou lors d'une cure
Dr Evelyne Revol
Suite au témoignage de Michel :
Retranscription de son intervention orale, avec nos remerciements. Merci d'excuser le style exclusivement parlé pour les lecteurs, ce que comprendront bien les personnes connaissant elles même Evelyne.
En tant qu'entourage, ce que vous avez dit c'était très juste, c'était modeste, simple, ça m'a touchée, donc ça serait bien si on pourrait en reparler.
Jusqu'à maintenant, j'étais médecin chef à l'unité d'addictologie des Portes du Sud depuis bientôt 4 ans. J'ai travaillé quasiment 20 ans à Letra et j'ai démissionné donc il y a 4 ans, et ce qu'on fait actuellement à la Clinique Les portes du Sud, ça ne me convient plus, pour la raison bien simple, les patients, on les prenait 4 semaines, on les prend plus que 15 jours, donc ce sont des sevrages complexes qui nécessitent plus de Psychiatres, comme je vous l'ai dit tout à l'heure je suis Médecin Psychiatre et prescrire des examens à la pelle c'est pas mon truc, je suis médecin mais avant tout, je suis quand même psychiatre, donc je m'y sens plus bien, l'ambiance n'est pas terrible, je peux le dire quand même, et à Letra avec Rémy François qui m'a recontacté, on a le projet de remettre en place, quelque chose qui ne se faisait pas tellement à Letra, c'est-à-dire des groupes externes, axer le travail sur les groupes, la famille également, à moyen terme, éventuellement un hôpital de jour détaché de Letra mais qui dépendra de Letra. C'est intéressant parce que c'est un projet nouveau, et je vais être à nouveau à Letra, projet de faire deux ou trois groupes externes par semaine, plus un groupe de famille une fois par mois, plus éventuellement, axer les efforts sur l'hôpital de jour, ça m'intéresse car je suis bien d'accord avec vous, que la famille on ne s'en occupe pas assez, donc je vais vous expliquer ce qu'on fait actuellement aux Portes du Sud, car on fait des réunions deux fois par mois, et à Letra, c'est également deux fois par mois.
Donc, deux fois par mois, on fait une réunion ouverte aux familiers qui, effectivement, ne viennent pas énormément, ouverte aux patients et aux familiers. Mais il y a beaucoup de patients qui ne le disent pas à leur famille. Il y a beaucoup de malades qui sont seuls (on entend dire par les anciens malades, dans les associations, dans le temps, le malade était encore en famille, aujourd'hui, la société a vite fait de se débarrasser de son malade, on a divorcé, on s'est séparés, et le malade reste seul) mais les patients parlent moins parce qu'ils ont peur d'être pris en otage et d'entendre des choses qui pourraient être dangereuses pour eux. Donc, ce qu'on propose, ce n'est pas une thérapie familiale (bien pompeux), c'est plutôt une sensibilisation au dysfonctionnement de la cellule familiale autour de l'addicté, car nous c'est un service des poly-addictions, il n'y a pas que des toxicomanes à l'alcool mais on a aussi d'autres addictions, et c'est un temps entre infos, écoute interactives, puisque les familles sont là pour parler également et échanger, où sont présents les sujets addictés et l'entourage.
Le but dans un premier temps, car il y a bien des familles qui ne savent pas que les toxicomanies sont des maladies, au cours de leur séjour, que ce soit à Portes du Sud ou à Letra on donne suffisamment de notions aux patients pour qu'ils comprennent pourquoi il est malade, quel processus met en place cette maladie.
Par contre, après, il devient malade éclairé, c'est-à-dire qu'il sait comment stabiliser sa maladie et il sait aussi comment il peut la faire évoluer ; moi j'aime bien dire "malade éclairé". C'est-à-dire qu'on le responsabilise, et c'est l'évolution de sa maladie et donc de l'abstinence, ça dépend de lui, uniquement de lui. Donc on va donner ces informations à la famille en expliquant exactement ce qu'est la toxicomanie, mais en leur disant qu'ils n'ont pas à se substituer au malade, ce n'est pas eux qui sont responsables du malade, ils ne sont pas responsables du malade. Ils sont leur conjoint, leur père, leur mère, pas leur infirmier ou leur médecin. Parce que la plupart des malades ont tendance à se reposer, à ce que ça se passe en dehors de lui, il est très important qu'ils se réapproprie sa maladie en tant que malade éclairé.
Ces réunions, ça permet d'appréhender que cette maladie ce n'et pas une fatalité, mais que c'est une maladie de type toxico-maniaque et que le malade peut stabiliser. La prise de conscience de l'entourage, s'il est encore présent auprès de la dépendance toxicomane, s'il est embarqué dans la même galère, il est comme vous disiez, malade du "voir boire", ou malade du "voir consommer", et que, il a tellement fait des choses à la place du patient, qu'il a tendance à parler à la place du patient, a tendance à être son infirmier, son médecin, il a tendance à s'approprier la guérison du malade, donc il faut vraiment qu'il s'occupe de lui. La dépendance du malade rend l'autre impuissant, il faut qu'il l'accepte. Ce n'est pas le conjoint ou la conjointe ou la famille qui va permettre au malade d'être abstinent.
En miroir, l'entourage, comme vous l'avez dit, souffre de la même chose, de la dépression, des obsessions mentales autour du produit : le jeu du chat et de la souris, l'entourage va chercher où sont les cachettes, la culpabilité qui est très forte en miroir : est-ce que j'ai mal fait, qu'est-ce que j'ai manqué, qu'est-ce que j'ai oublié, donc culpabilité très forte, elle est par dépression et désespoir. La dépression de l'entourage ne se manifeste pas au même moment. Elle se manifeste plutôt quand le patient vient aux soins, c'est pour ça que quand le patient vient aux soins, l'entourage est libéré, pendant un moment, il ne veut plus entendre parler de l'addiction de l'autre, et la dépression du malade arrive plutôt quand il est sevré du produit et secondairement. Dans un premier temps, le patient est tellement bien de ne plus être obsédé par le produit, quand la dépendance physique est passée, il est plutôt sur un nuage rose. C'est plutôt secondairement qu'il va être en manque de ce produit et qu'il a un deuil à faire de ce produit qui conduisait sa vie, et le deuil de quelque chose qu'on a beaucoup aimé et qui était au centre de notre vie, ça demande plusieurs années, à condition d'y travailler. Ça il faut que l'entourage puisse le comprendre, donc les réunions que nous faisons à Portes du Sud et qu'on faisait à Letra, ça permet de déculpabiliser l'entourage, pour qu'il puisse s'approprier ses symptômes parce que ces symptômes sont des symptômes propres qui ne sont pas les mêmes que le malade alcoolique. Qu'il prenne conscience aussi que la projection, ça marche à fond, le malade va dire c'est à cause de l'autre que je bois, et l'entourage va dire c'est à cause du malade que je ne vais pas bien. Cette sensibilisation qui est non culpabilisante va amener l'entourage qui est très démuni, qui est désespéré, à pouvoir se dire, puisqu'on lui propose aussi des accompagnements – à Porte du Sud, nous en faisons – c'est bien dans le cadre d'un co-accompagnement en quelque sorte. Il faut savoir aussi que la dépendance engloutit celui qui boit, mais fait couler celui qui ne boit pas, que l'équilibre précaire, si l'entourage est encore là s'est installé dans le puzzle familial, et l'équilibre peut vaciller s'il y a le moindre changement de ce puzzle. Dès que le patient va aller mieux, il va y avoir un changement rapide, alors que la dépendance s'est installée lentement, insidieusement, alors que quand la personne change, elle change du jour au lendemain. Pour que le puzzle familial n'éclate pas, il faut que l'entourage puisse se faire aider. On se rend compte que bien souvent, si ça se fait pas, alors que l'addiction était tolérée, souvent déniée, souvent masquée, tout d'un coup, alors que la personne addicte va bien c'est à ce moment là que ça éclate, et pour que ça n'éclate pas, il est très important que l'entourage puisse comprendre, conscientiser qu'il faut qu'il fasse ce travail d'aide ; et bien souvent, on a un problème avec l'entourage parce qu'il va dire : "c'est lui qui est malade, c'est pas moi". Or, si l'entourage est resté avec le patient, s'il ne l'a pas abandonné, c'est qu'il est embarqué dans sa maladie de façon inconsciente, c'est très important qu'il puisse prendre du recul. Le temps d'une cure, ça fait prendre du recul ; pour qu'il ne puisse plus avoir la tête dans le guidon et prendre conscience de ça.
Parfois, l'entourage, pour se sauver, est obligé de s'éloigner complètement, pour un temps, géographiquement, ou pour une séparation courte, et parfois, pour se sauver, si le malade éclairé qui ne veut pas s'éclairer en quelque sorte continue à aller mal, l'entourage peut se sauver pour éviter que deux personnes coulent en même temps.
Une de nos missions également, c'est d'orienter cet entourage vers des consultations, vers des associations comme la vôtre, Al-Anon qui fait des prises en charge d'entourage, nous-mêmes, faisons des consultations d'entourage, soit l'entourage avec le patient, ou l'entourage seul, j'ai l'intention à Létra de développer ça si c'est pas encore développé.
Les groupes Al-Anon et AEA (adultes Enfants Alcooliques) Alateen
Témoignage de Laetitia
MON VECU D'ENFANT DE PARENTS MALADES ALCOOLIQUES
Lorsque je suis venue au monde, mon père buvait déjà. Il était très violent.
Par peur, ma maman a fui Roanne et s’est installée à Lyon avec moi lorsque j’avais 1 an environ.
Depuis ce moment là, je n’ai plus jamais revu mon père qui est décédé lorsque j’avais 11 ans des conséquences de son alcoolisme, crise cardiaque à 39 ans.
Je suis encore beaucoup dans le déni par rapport à ce manque que je ne ressens que très peu car trop douloureux sans doute !
Puis la maladie s’est développée chez ma mère.
Et là, la vie de fou a commencé. Dès l’âge de 12 ans, ses attitudes me dérangeaient, j’avais honte de ce qu’elle faisait. Je ressentais sa souffrance par rapport à sa vie et à tout ce qu’elle avait vécu ; mari violent, sœur qui épouse son second mari, sentiment d’être incomprise, élève seule son enfant …
J’avais, je pense, de la peine pour elle. Et en même temps, l’enfant que j’étais vivait des moments de solitude intense et d’abandon. Les montagnes russes : PAS d alcool : mère présente émotionnellement et puis avec le temps mère très triste sans alcool. AVEC alcool : mère extravertie, ne se respectant pas, ne me respectant pas, je n’existais plus.
"Mais enfin tu dis tout le temps que je suis tout pour toi, que tu m’aimes, que sans moi tu serais perdue…alors pourquoi me montrer tout le contraire en buvant, en partant des week-ends entiers sans me dire où tu es, en choisissant tes amis plutôt que de venir près de moi dans ma chambre quand je t’appelle et que j’ai besoin de toi ??
Suis-je folle de croire que tu m’aimes et en même temps que tu me montres le contraire ?
Que dois-je croire ? "
Puis j’ai fait tant bien que mal ma vie avec un homme violent, on s’aimait à la folie.
Suis-je folle de croire qu’il m’aime et en même temps qu’il me montre le contraire ?
Puis après avoir tout essayé avec elle (pleurs, colère, explication, désespoir, mini cours sur l'alcoolisme et ses effets, chantage…) et que ma santé se décline tellement (migraines : 2 par semaine, crises d’angoisse) qu’un choix c’est imposé a moi, m’éloigner d’elle pour me sauver.
Je lui ai écrit que je l’aimais mais que je ne pouvais rien faire pour l’aider.
Peu de temps après, elle trouve la sobriété avec la rencontre d’une personne : Corinne, et d’une association : les Alcooliques Anonymes, elle se sauve elle-même.
Six mois passent et elle me sauve moi en me faisant rencontrer le groupe de parole Al-Anon qui me donne ce que personne n’avait pu me faire découvrir : MOI. Et je deviens la personne la plus importante dans ma vie. Ce faisant, je peux enfin donner au reste du monde et à ma mamounette bien sûr.
J’ai alors 24 ans, et nous décidons, avec quelques autres enfants d’alcooliques, quelques mois plus tard, de créer un groupe spécifique pour les adultes qui sont enfants d’alcooliques. Des groupes pour les enfants et tous petits existaient déjà. Le programme est alors adapté pour eux.
Ma 1ère rencontre avec Al-Anon a été un soulagement énorme ; je n’étais pas folle. Tout ce que je ressentais portait un nom et était les conséquences de la vie auprès d’une personne malade alcoolique, même si ma mère ne buvait plus, c’était en moi. Jusqu’à cette rencontre, j’ai toujours été persuadée que j’étais la seule a vivre ce genre de souffrance. Enfin, je rencontrais des gens comme moi.
C’est difficile d’exprimer avec des mots cette rencontre qui a littéralement changé ma vision de la vie, de moi-même et de l’alcoolique.
Le site Al-Anon-alateen.fr explique aussi beaucoup de chose sur la maladie et ses conséquences que l’on relie rarement à notre vécu, on pense souvent que se sont deux choses différentes que souvent on veut oublier.
Un numéro de téléphone existe pour la région Rhône-Alpes. Répondeur sur lequel plusieurs numéros de téléphone sont donnés pour nous aider dans les moments difficiles ou nous donner des adresses de réunions…..etc.…
04 .72.71.32.94
Al-Anon existe dans plus de 115 pays et il y environ 200 groupes en France.
Ce qui me plait aussi énormément dans Al-Anon, c’est que je suis libre de venir au groupe ou pas. Il n‘y a pas d’inscription, ni d’obligation aucune. Simplement maintenant je sais que je ne serais plus jamais seule et ça, ça n’a pas de prix.
Aujourd’hui j’ai 37 ans et après 15 ans de vie avec l’alcool et presque 15 ans de rétablissement, nous avons enfin une relation d’amour, de respect et de compréhension avec ma maman.
Ma maman est devenue ma maman et moi je suis devenue sa fille.
Témoignage de Claire
Je suis mariée depuis 28 ans avec un homme adorable.
Quand nous nous sommes rencontrés, mon mari buvait probablement déjà de manière excessive, mais il avait le vin gai et cela me convenait très bien, Pire, ça me valorisait : s’il était le roi … alors j’étais la reine !
Nous avons eu 2 enfants.
Environ, 10 ans après le début de notre vie commune, je voyais bien que les choses n'étaient pas normales. Chez nous, on ne savait jamais à l’avance comment se finirait la soirée. Chez nous, impossible de faire des projets, inenvisageable d’organiser un week-end, des vacances ou bien sûr, d’acheter une maison. Budget impossible à boucler, personnalité impossible à cerner, chez nous tout prenait des proportions colossales.
Tout était construit sur du sable : ce qui avait pris tant d’énergie à bâtir s’effondrait à la première pluie. Toutes les bonnes résolutions prises à force de cris, de disputes, de menaces et de pleurs étaient réduites à néant à la première cuite.
Mon furieux besoin d’être aimée était toujours battu en brèche. Malgré des trésors de patience et d’attention, je me sentais toujours prise en défaut.
Pourtant, pendant les assez longues périodes où mon mari cessait de boire, je retrouvais l’homme que j’avais épousé. Je pensais alors que ça durerait toute la vie.
Mais cet espoir toujours déçu, cela aussi était épuisant.
Ce que nos nombreux amis de l’époque en ont pensé ? Je ne sais pas, car nous ne les voyons plus depuis longtemps. A force de scandale, de disputes ridicules, ils ont déserté notre maison … et ceux qui auraient été fidèles, ma honte les a chassés de mon foyer.
Nous sommes restés seuls avec notre fardeau.
A l’époque mon mari me faisait penser à docteur Jekill et M Hyde : celui que j’aimais & l’intrus.
Mais il y avait aussi 2 femmes : moi et la bouteille, ma rivale !
Et notre fils était un ange à la maison, un démon dehors.
Cela s’appelle de la schizophrénie, n‘est-ce pas ?
Ma fille ? Je ne sais pas comment elle vivait, je ne l’ai pas vue !!! ……
J’étais uniquement tournée vers cet alcool ! Cela s’appelle de l’obsession, n‘est-ce pas ?
Je me suis tournée vers mon médecin de famille, car vers qui d’autre ? "Docteur que ce passe-t-il, est-ce normal ?
Mais Madame, ça n’est rien qu’un peu de fatigue. Les disputes dans les couples, c’est normal ! Je vais vous prescrire quelques vitamines et vous verrez, dans quelques jours, tout rentrera dans l’ordre !".
Quelques années supplémentaires sont donc passées. 7 degrés de plus vers l’enfer !
Mes enfants grandissaient.
Mon fils allait sur ses 11 ans. Son comportement asocial ayant attiré l’attention d’une professionnelle de l’enfance, elle l’a fait parler et m’a convoquée dans son bureau.
Je ne me souviens plus des mots qu’elle a employés, j’étais tellement confuse ! Mais elle m’a dit que c’était grave et que je pouvais faire quelque chose pour nous !
Elle m’a donné l’adresse du C2A et d’Al-Anon, en me disant que là, je trouverais de l’aide.
Je pense à elle avec gratitude tous les jours de ma vie, TOUS.
Ma première réunion, je ne m’en souviens plus, c’était trop énorme !
Des gens qui racontent des bouts de moi et qui en rient !!?
Des gens qui, malgré cette vie, ont l’air d’aller bien et de penser à peu près sainement !!!???
Ils le peuvent et me disent que moi aussi j’y ai droit ?
Les témoignages entendus autour des tables m’ont permis d’apprendre à vivre ma vie et de parler de l’alcool à mon mari sans le culpabiliser. Cela lui a aussi permis de prendre lui-même de la distance avec cet alcool qui lui pourrit la vie.
Très vite (quelques semaines !), mes enfants ont retrouvé un comportement "normal". En période de crise, nous pouvions parler de l’alcool et de l’alcoolisme de leur père, en le dissociant de sa personne. Ils ont ainsi pu se réapproprier ce père qu’ils ont toujours aimé (et qui est un bon père).
Al-Anon m’a apporté quelques outils simples, puisés dans le bon sens de l’Humanité et m’a dit "choisis !".
Aujourd’hui, l’alcool n’a pas totalement disparu de la maison, mais les rechutes sont moins fréquentes et ne nous affectent plus (elles ne nous font pas plaisir, mais elles ne nous détruisent plus).
Il me faudrait un livre entier pour dire tout ce qu’Al-Anon m’apporte. Je n’ai pourtant pas changé, je me débarrasse simplement de ce qui m’empêche de vivre ma vraie vie !
Mon angle de vue a juste changé de quelques degrés.
Maintenant, je vis !
Je ne veux surtout stigmatiser personne, aucune institution, aucune profession. Seulement tenter de faire comprendre aux professionnels sociaux et de santé que l’entourage est très important dans le rétablissement de l’alcoolique.
J’ai souvent entendu : c’est normal qu’il boive, avec la femme qu’il a ! C’était vrai …… et faux ! Nous ne sommes pas à l’origine de l’alcoolisme de notre conjoint, nous ne sommes pas non plus à l’origine de sa guérison, nous n’avons pas autant d’importance.
Mais nous ne le savons pas et le monde autour de nous non plus :
"S’il m’aimait il s’arrêterait de boire. On s’est mariés pour le meilleur et pour le pire. Si tu me quittes, je meurs. Tu ne peux pas le laisser tomber, dans cet état ! C’est le père de tes enfants …."
Nous aussi sommes continuellement culpabilisés. Ce faisant, nous aussi entretenons l’alcoolisme de notre proche. Plus nous l’aimons, plus nous l’enfonçons dans l’alcool ! Car nous ne savons pas aimer.
Grâce à Al-Anon, j’ai appris :
à ne pas envenimer les disputes,
à parler sans culpabiliser,
à dire je t’aime,à connaître mes limites et à les marquer,
à me respecter, à me faire respecter, à respecter
à écouter …
… la liste est trop longue ……sans compter tout ce qu'il me reste à apprendre !
Vous traitez des l’alcooliques : 1 million de personnes en France.
Nous sommes 4 fois plus nombreux : Au secours !
.
Ces quelques mots ont été écrits en pensant très fort à Danièle.