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Manillier - arthérapie...

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Véronique MANILLIER, Art-thérapeute et secrétaire à l'hôpital de l'Arbresle

Atelier d’Art thérapie, expression picturale

février 2012


"Quand l’inaccessible est toile"

L’art thérapie :

Est une méthode qui utilise la création artistique comme moyen d’expression. Elle est ouverte à tous, car elle n’a pas comme objectif un but esthétique. De plus en plus utilisée dans les lieux où l’être humain souffre, elle permet au patient de s’exprimer sans utiliser la parole.

L’art thérapie trouve son origine dans l’art brut.

Jean Dubuffet (1945) disait : "L'Art brut regroupe des productions réalisées par des non-professionnels de l'art, indemnes de culture artistique, oeuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (pensionnaires d'asiles psychiatriques, autodidactes isolés, médiums...). Dubuffet entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle"


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L’art thérapie utilise donc le langage visuel au lieu du langage verbal comme mode d'expression et pour prendre contact avec son intériorité.
Cette méthode permet d'établir un lien avec l'inconscient et de se libérer d'émotions et d'expériences difficiles à verbaliser.
L’approche permet de sortir du rationnel, d'abandonner ses points de repère et ses schémas de pensée habituels et d'envisager la vie d'une façon nouvelle.

La création : c’est :
La capacité qu'a un individu de créer, c'est-à-dire d'imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau,
La capacité de découvrir une solution nouvelle, originale, à un problème donné.

-    La création n’est pas une production d’idées, il ne faut pas la penser il faut la vivre et la ressentir.
-    La création c’est l’aboutissement de la transformation dans le but de faire quelque chose de neuf.  
-    La création c’est accepter de régresser pour évoluer.

L’art thérapie à visée picturale :

C’est une peinture d’expression spontanée où le langage est autre que celui des mots, elle permet de dévoiler certaines souffrances qui ne peuvent pas être "parlées". L’atelier donne un espace aux patients pour se raconter en images, en couleurs et en formes. Dans un tel atelier, le patient s’autorise de nouvelles libertés, il redécouvre le jeu, il devient acteur et se trouve en position d’agir, il redynamise sa pensée, coordonne ses mouvements. Le langage est celui de la forme, de l’image et de la couleur, il n’est plus parole mais symbole. C’est donner une couleur à ses maux, donner une forme à ses angoisses, donner une image à ses souffrances. L’histoire devient couleurs, le passé prend forme, c’est se raconter sur la toile.

Dans le contexte d’un atelier d’art thérapie nous ne cherchons pas la beauté de l’oeuvre mais l’authenticité du langage pictural au service du patient, l’oeuvre créée est le reflet de son monde intérieur, il est la traduction pure des émotions, des ressentis, des sentiments. Nos images nous appartiennent et seul nous en avons la clef.

Créer en art-thérapie, permet d’accueillir et d’agir pour ne plus subir, devenir acteur pour ne plus être spectateur de sa vie.

La création est utilisée comme un chemin vers le réel.

L’art thérapie en addictologie :

L’addiction est une solution à un mal être, le langage est oublié au profit du corps. Le produit isole l’être humain.

Comment aider le patient en addictologie à toucher sa créativité et à l’utiliser positivement dans un but de renaître et/ou de vivre ?

La création est un moyen de se libérer d’un mal être, le corps est utilisé pour créer. La création tisse des liens à autrui.

La création est une invitation à expérimenter et un moyen de lever le voile, de se dévoiler.

L’atelier d’art thérapie c’est :

Aider le patient à travers la création à mobiliser son psychisme à autre chose que l’addiction.
Exploiter un potentiel artistique dans une visée thérapeutique.
Réveiller chez le patient dépendant sa créativité dans un but de guérison,
Accompagner le patient dans sa création, le rassurer, le guider, le valoriser l’aider à créer une histoire et la mettre en scène, pour qu’il devienne metteur en scène de sa création puis de sa vie.
Redonner confiance en soi.
Accéder à un plaisir et à un bien-être.
Découvrir de nouvelles sensations.
Favoriser les capacités d'échanges et de relations avec les autres.
Passer du regard au geste et à la parole.

Atelier à l'hôpital de l'Arbresle

Mon parcours : J’ai été embauchée il y a 20 ans à l’hôpital de L’Arbresle comme secrétaire médicale après avoir abandonné des études de psychologie pour des raisons familiales. J’ai très vite accédé à la peinture après des évènements douloureux de ma vie comme moyen d’évasion et de soulagement, l’art thérapie est venue à moi comme une sorte "d’évidence" alliant peinture et psychologie. J’ai entrepris une formation diplômante d’art thérapeute à l’atelier vert lumière de Saint Etienne, dans le but de créer des ateliers à l’hôpital de L’Arbresle pour les patients en addictologie. J’ai parallèlement ouvert un atelier d’art thérapie en libéral afin d’ouvrir cette médiation à d’autres personnes. Dans cet atelier, certains anciens patients hospitalisés à l’Arbresle ont désiré continuer leur suivi en art thérapie associé à un suivi psychologique et addictologique. Au sein de cet atelier, le patient se mélange à d’autres populations, sans aucun lien avec l’addiction.

L’atelier est ouvert depuis 2009 à l’hôpital de l’Arbresle pour les patients présentant une ou plusieurs addictions. Cet atelier est complètement intégré dans le parcours de soins et est dans ce sens obligatoire au même titre que tous les autres groupes.

Tous patients hospitalisés en médecine addictologique bénéficieront d’un ou de deux ateliers durant leur séjour, suivi d’un entretien individuel. L’atelier dure 2 heures et s’effectue avec de la peinture acrylique, principalement, je peux parfois proposer des pastels gras ou secs ou des crayons de couleurs.

  • Le processus de création débute par un jeu préparatoire dont les consignes sont données en début d’atelier, mettant le patient en action sans pouvoir maitriser ce premier jet qui est totalement abstrait. Cette phase est animée en grande partie par l’énergie du patient et guidée par son inconscient. La base de cette phase est donc l’abstrait, cette notion est fondamentale car l’abstrait est accessible à tous. Cette première étape est courte, 5 à 10 minutes. Les patients se trouvent dans une situation nouvelle, sans maitrise et l’effectuent avec plus ou moins de facilité en fonction de leur capacité à lâcher prise.
  • Le patient devra ensuite regarder, voir, contempler cette première création pour traduire cet abstrait en contournant, dessinant et peignant les formes qu’il voit, c’est en quelque sorte traduire d’une façon consciente et authentique un jet pulsionnel inconscient. Le patient devra tendre à ne pas se mentir et à choisir dans son jeu préparatoire la forme la plus émotionnelle pour lui, celle qui s’impose à lui, c’est ce que l’on appelle le principe de nécessité intérieure. L’art thérapeute est le garant de ce principe, il doit amener le patient à accepter cette partie émotionnelle et à la peindre et l’aider à mettre en scène sa création (décor), pour qu’il devienne alors metteur en scène de sa propre histoire.


L’atelier se fait en musique et est un lieu d’échange entre les patients (maximum 8) et l’art thérapeute. Dès cette étape du travail, le langage verbal apparait de façon complètement spontanée, et chacun des participants semble intéressé par la création des autres. Il existe déjà à ce stade un lien à autrui, un échange, un intérêt.

L’art thérapeute est le garant de l’atelier, toute personne doit se sentir en confiance, être bien installée et pouvoir s’exprimer sans crainte et sans honte. Il est donc important d’instaurer une confiance de base entre le thérapeute et le patient pour la bonne démarche d’une séance d’expression picturale. L’art thérapeute devra tout faire pour rendre la création possible et faciliter le côté pratique.

La création picturale devient médiatrice, objet transitionnel, elle permet aux patients de mettre des mots sur des formes et des couleurs. La relation thérapeutique est une triade "le patient, l’art thérapeute et la création", de ce fait la création tisse un lien entre le patient et le thérapeute et facilite l’échange et la parole qui jusque là pouvait être bloquée ou refoulée, le retour à la parole est primordial.

 

  • La deuxième étape est l’interprétation de la création, un entretien entre l’art thérapeute et le patient. C’est redonner à la parole son rôle d’expression et d’échange.


Jung : "l’interprétation c’est le diagnostic de l’âme"

C’est bien à la suite d’une interprétation que l’art thérapeute amènera le patient sur le chemin du vouloir agir. Le changement est une forme d’aboutissement de la pensée inconsciente devenue consciente. Il n’est pas suffisant de comprendre, le changement est nécessaire, car l’évolution de l’être humain passe immanquablement par l’action. Le non agissement laissera le sujet observateur de sa vie, spectateur de son histoire, devenir acteur de sa vie c’est accepter le changement et agir dans ce sens.

  • Devenir acteur et créateur de sa vie : changer et créer sa vie dans les plus petits détails
  • Maintenir une action créatrice permanente dans notre vie de façon à créer notre art de vivre à notre mesure.

L’atelier d’art thérapie apporte au patient un espace temps qui lui permet de se remettre en action, de toucher sa créativité, de s’exprimer autrement et de se raconter. L’entretien individuel lui offre un espace lieu où il peut traduire sa création par des mots et utiliser la parole pour s’exprimer et se libérer.

Comme tout un chacun, le patient en addictologie ressent des difficultés à se sortir de la notion du "beau", l’esthétique et le regard de l’autre ainsi que le jugement restent très présents. Le rôle de l’art thérapeute est vraiment d’accompagner le patient dans sa création, de le rassurer car le but de ce travail a vraiment pour objectif l’authenticité et non pas l’esthétique. Pour les patients en addictologie il ressort très souvent une sous estime de soi, une dévalorisation, beaucoup plus que d’autre population rencontrée, et le rôle de l’art thérapeute est de les aider à accueillir leur création, à se l’approprier et à l’aimer, souvent je leur dis de prendre soin de leur création qu’elle est en lien direct avec leur monde intérieur et à les encourager et les valoriser dans leur capacité à faire tout le long de l’atelier.


En addictologie le patient doit non seulement apprendre à se connaître ou se reconnaître, se comprendre, s’accepter, lâcher son identité de souffrance, évoluer, il doit également se sevrer et maintenir une abstinence. L’un me semble étroitement lié à l’autre, et les ateliers d’art thérapie peuvent aider chaque patient à remettre en mouvement leur corps et mobiliser leurs pensées dans un but de création et non plus de prise de produit dont le rituel est important.

  • Comment accompagner le patient dans un processus de changement sur du long terme et comment lui faire découvrir que la créativité est en lui au service de sa guérison ?
  • Comment permettre au patient de garder le désir et l’envie de créer à sa sortie de l’établissement ?
  • Comment l’aider à maintenir en éveil cette part créatrice intérieure ? *


Depuis que j’anime des ateliers d’art thérapie un lien nouveau s’est créé entre les patients et moi-même. Patients dont le premier contact que j’ai est l’appel téléphonique, la gestion de la consultation et la gestion de leur hospitalisation. La double activité secrétaire médicale et art thérapeute a permis aux patients de se sentir en confiance et s’autorisent davantage un appel téléphonique en cas de rechute, ou de mal être, c’est pour eux comme un lien physique entre le monde extérieur et le monde institutionnel, ils s’autorisent avec moins de culpabilité "l’appel au secours".

 

Mise à jour le Samedi, 13 Février 2016 10:13