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Nathalie - jeu...

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Questions autour de la prise en charge pour les personnes addictées au jeu

Témoignage de Nathalie, une patiente prise en charge
, avec Michel KAIRO, Intervenant en addictologie


Je m'appelle Nathalie, j'ai 37 ans et je suis addicte aux jeux (casino et Internet uniquement sur les machines à sous).
L'année 2009 a été pour moi très difficile avec beaucoup de changements négatifs pour ma part.
Au mois d'avril tout a basculé, Maman était à la retraite depuis 4 ans et vivait chez ma grand-mère qui était atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Elle me téléphone et m'annonce ce jour là qu'elle ne va pas bien du tout, je décide donc de l'accompagner pour consulter et là toute une série d'examens à poursuivre, et là j'apprends que ma mère est atteinte d'un cancer généralisé bien avancé avec une énorme tumeur au poumon. Je demande au cancérologue que faut il faire ? Il me répond qu'il n'y a plus rien à faire, que ce n'est plus qu'une question de temps.
Lorsque les médecins ont su que je m'occupais aussi de ma grand-mère, ils m'ont dit que c'était beaucoup trop pour moi de m'occuper de ma mère et ma grand-mère. Ils m'ont proposé de placer Mamie en maison de retraite, ce que j'ai fait.
J'annonce à mon ex-conjoint que je pars m'installer auprès de ma mère qui était gravement malade, et je peux même dire que j'étais presque heureuse de quitter mon domicile car mon couple battait déjà de l'aide à cette époque.
Mais je gardais espoir en me disant que ce n'était qu'un mauvais passage, mais il ne s'est même pas déplacé pour voir ma maman alors qu'il savait que je traversais une période difficile.
Maman était aide soignante à domicile, elle travaillait énormément, elle consacrait son temps à son travail, du coup elle n'a pas profité de sa vie durant toute sa carrière professionnelle.
Dans ces derniers moments où ma mère était encore valide, j'ai profité de l'emmener au restaurant et au casino, c'est là que j'ai découvert le jeu, malgré que je ne jouais pas à cette époque, nous y allions principalement l'après midi.
Maman ne dormait plus la nuit, elle avait peur de fermer les yeux car elle voyait la mort, je restais éveillée avec elle, nous jouions au scrabble ou aux cartes et nous discutions beaucoup. Elle n'est pas décédée de son cancer mais d'une embolie pulmonaire foudroyante et ce soir là j'ai vu ma mère s'étouffer, ses yeux se sont retournés. Ces images m'ont terriblement choquée, au début, après son décès je les revoyais sans cesse, elles me persécutaient de jour comme de nuit.

Mon ex-conjoint ne comprenait pas que même avec le temps passé, je n'arrivais pas à oublier ces images. Après ça je n'avais plus envie de lui parler de mes souffrances, je me refermais sur moi-même et ne disais plus rien à personne de peur d'embêter ou de gonfler tout le monde.

Et puis voilà que je me suis mise à aller au casino tous les jours et ne me rendais pas compte de l'argent que je dépensais, mais au moins à cet endroit personne ne me faisait de reproches.

Etait-ce pour me mettre à l'abri et retrouver spirituellement ma mère ?
Ça a duré des mois et des mois, je me levais le matin, je prenais ma douche et partais dès l'ouverture du casino pour jouer.
Je n'arrêtais pas de mentir à mon ex-concubin, que ce soit sur mes sorties ou les paiements des factures.
Et puis voilà que je me suis mise à aller au casino tous les jours et ne me rendais pas compte de l'argent que je dépensais, mais au moins à cet endroit, personne ne me faisait de reproches.
Est-ce pour me mettre à l'abri et retrouver spirituellement ma mère ?
Ça a duré des mois et des mois, je me levais le matin, je prenais ma douche et partais dès l'ouverture du casino pour jouer.
Je n'arrêtais pas de mentir à mon ex concubin que ce soit sur mes sorties ou les paiements des factures.
Et puis un jour je rencontre au casino un copain à mon ex qui m'interpelle et se permet de me dire (je remarque que tu viens fréquemment jouer au casino). Restant abrutie, je lui réponds"ah bon !" et là il m'avoue "tu sais je suis souvent là, toi tu ne me vois pas mais moi je te vois ... " Evidemment il s'est empressé d'appeler mon ex pour lui raconter.
Ensuite j'ai eu un gros conflit avec mon ex avec des violences verbales qui m'ont terriblement choquée .J'ai compris que là il fallait que je lui avoue toute la vérité. Il m'a proposé de faire la démarche de me faire interdire de casino, avec son accompagnement j'ai accepté. J'ai été interdite de casino pendant un an sans aucun suivi médical.
Mais pendant des années d'interdiction, j'ai continué de plus belle sur Internet jusqu'à la fin de mon interdiction au casino.
A la fin de mon interdiction, je suis retournée au casino, jusqu'au jour où j'ai perdu 500 € en quelques heures. Je suis partie, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps et j'ai eu enfin le déclic en comprenant que j'avais réellement un souci et que je pouvais passer d'un état euphorique à un état dépressif.
En rentrant, je prends mon courage et décide de faire le calcul de mes dettes qui s'élevaient à 28 000 €. Je comprends de suite que je ne m'en sortirai pas toute seule. Je décide de faire un dossier de surendettement à la Banque de France qui a été accepté.
Le lendemain, je suis allée consulter la remplaçante de mon médecin car le mien était en vacances. Le Docteur SUPPER m'a reçue, et a vu de suite que j'avais besoin d'aide en urgence, elle m'a prescrit un traitement pour mon état dépressif que je n'ai jamais pris par crainte d'être assommée et devenir un zombie.
Elle m'a donné les coordonnées de la clinique des Portes du Sud, en m'expliquant qu'il y avait un service d'addictologie et qu'il m'aiderait. Elle leur a écrit un courrier.
Dès mon retour chez moi, je les ai contactés et j'ai eu un rendez vous très rapidement avec Michel KAIRO.
Ce 6 juillet 2011, je rencontre Michel. Au début de la consultation, j'étais très mal à l'aise.
J'avais honte de lui raconter la femme que j'étais devenue, alors qu'auparavant j'adorais   faire des   balades, aller manger au restaurant, danser, et surtout je gérais bien mes comptes. Et puis il m'a comprise et écoutée. Je lui explique que très régulièrement je suis prise de tremblements, battements de cœur rapides que je n'arrive pas à maîtriser tellement j'ai envie de jouer.
Michel m'explique que ce sont des pulsions et me propose de rencontrer le docteur JOUVENCEAUX afin qu'il me prescrive un médicament pour calmer mes pulsions.
Mais bien évidemment après l'avoir vu, il m'avait fait une ordonnance avec du REVIA mais quand j'ai u les effets secondaires qu'il pouvait y avoir, l'ordonnance est restée dans mon sac sans jamais aller à la pharmacie.
Au départ je voyais Michel une fois par semaine, parfois j'attendais ce rendez vous avec impatience car je savais que je pouvais me libérer de tout ce qui m'angoissait à l'intérieur de moi.
Par la suite, Michel m'a proposé de venir au groupe "addictions" du mercredi soir où il y a des malades alcooliques, des toxicomanes et aussi des  addictes aux jeux.
Le groupe m'a beaucoup apportée dans ma prise en charge et m'a portée dans mon abstinence aux jeux, et soutenue dans mes moments de difficultés.
Curieusement, dans une identification, j'ai remarqué que j'avais les mêmes pulsions, je dirais mêm e les mêmes symptômes de manque (tremblements, battements de coeur, et changement d'humeur brutal) que les autres addictés.
Aujourd'hui je continue tous les mercredis à aller au groupe et ma vie a totalement changé depuis le mois de décembre 2011, séparation d'avec mon conjoint et rencontre avec un homme qui a accepté ma maladie, et qui sait toute la vérité sur mon addiction, qui me prend telle que je suis.
Comme c'est bon de se sentir aimée et d'avoir de l'affection. J'ai retrouvé goût à la vie et surtout je prends soin de moi et recommence à gérer mes comptes.
Ce qui ne m'empêche pas d'avoir des envies de jouer qui apparaissent comme des flashs, certes moins forts qu'avant ; mais je n'oublie pas et je reste encore fragile.
Lorsque je dépense de l'argent pour me faire plaisir, ma pensée est telle que je me dis ça : Ce ne sera pas pour toi "Partouche" !
C'est dingue mais pour moi c'est une victoire. Le point négatif de ma vie, c'est mon fils âgé de 18 ans qui m'en veut de mon départ, ce que je peux comprendre.
Je le vois très peu mais j'arrive à le contacter par téléphone.
Les premières fois où je l'appelais, il y avait très peu de dialogue, je ne savais pas trop quoi lui dire et je sentais bien qu'il n'avait pas envie de me parler, je devais lui arracher les vers du nez, et là, depuis, nous arrivons à dialoguer et surtout nous recommençons à nous confier l'un à l'autre.
Une phrase qu'il m'a dite m'a beaucoup touchée  "n'oublie pas Maman, tu es ma mère et je t'aime ".
Je comprends qu'il a besoin de temps pour digérer tout ça, mais j'espère qu'il finira par me pardonner.

En conclusion, même si le ciel se dégage, je reste convalescente et je suis toujours très impliquée dans mon suivi auprès de la clinique Les Portes du Sud, dans mes consultations avec Michel Kairo et dans ma participation au groupe externe addicto du mercredi.

Mise à jour le Lundi, 07 Mai 2012 09:33