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ADDICTOLOGIE et URGENCES

Olivier LEJEUNE - médecin addictologue à l’ELSA de l’hôpital de Vienne et au CSAPA de l’hôpital de la Croix-Rousse

Il n’ y a pas d’urgence en addictologie. Pourtant l’exercice de l’addictologie semble traversé par des demandes urgentes concernant des problèmes somatiques (décompensations de cirrhose, pancréatites, crises d’épilepsie, overdoses,  intoxications aigues..), des problèmes psychiatriques (tentatives de suicide, décompensations psychotiques), ainsi que des problèmes sociaux (perte de logement, violences).

Aucun de ces problèmes ne nécessite pour autant spécifiquement l’intervention d’un addictologue. En effet médecins, psychiatre et assistantes sociales œuvrent pour prendre en charge ces problèmes de manière totalement autonome en particulier au service des urgences.

Des demandes urgentes plus spécifiquement addictologique sont toutefois formulées par les patients leur entourage d’autres soignants ou des travailleurs sociaux : Il s’agit de demande de sevrage ou de substitution.

Mais comment justifier de répondre en urgence alors que le travail addictologique se construit sur la durée et que sevrage et substitution sont de simples outils et non des fins en soit ?

Notre cadre de soin et ses limites ont pour but de structurer le parcours du patient, de le canaliser, de l’apaiser et de nous protéger. Ce n’est pas toujours facile à expliquer aux patients ou aux familles et cela se résume souvent à des délais de rendez-vous ou de place d’hospitalisation incompressibles.

Les membres d’une ELSA sont les mieux placés pour intervenir auprès des patients faisant cette demande au service des urgences.

Ils les accueilleront,  leur signifieront avec empathie qu’ils ont bien compris la gravité de leur situation et leur préciseront que l’urgence n’est pas le lieu pour répondre à leur demande, et que cette règle n’est pas juste pour eux.

Ils leur proposeront un rendez-vous différé mais rapproché.

Cela est-il suffisant pour autant ?

  • Lorsqu’un patient alcoolodépendant avec une dépendance physique repart chez lui alors qu’il était venu pour arrêter, va-t-il reboire ?
  • A-t-il bien compris cette consigne paradoxale "surtout ne vous arrêtez pas de boire" venant de l’addictologue qui vise à limiter la survenue de complications de sevrage qui peuvent engager le pronostic vital ?
  • Est-il en capacité de se procurer de l’alcool (défaut soudain de celui qui lui apportait la bouteille, restriction par l’entourage..) ?

Si on peut penser que débuter un sevrage en urgence expose le patient à une rechute rapide et à perdre sa confiance dans sa capacité à changer, si des expériences personnelles vont dans ce sens, on soulignera qu’aucune étude clinique n’a évalué ce point à ce jour.

Est il bien éthique de ne pas donner une réponse à un patient déterminé à ne plus boire alors que nous le pourrions, exposant ainsi le patient à des complications sérieuses ?

  • Dans un objectif de réduction des risques, ce sevrage ne permettrait-il pas de limiter ces complications et de prendre le temps d’une rencontre qui lierait une alliance moins fragile qu’un éventuel rendez-vous ambulatoire ?
  • Dans cette même perspective, même si le sevrage d’opiacé ne menace pas le pronostic vital, la délivrance de substitution aux urgences, en plus de soulager le patient rapidement et efficacement, ne permettrait-elle pas d’éviter des complications psychique (IMV) et sociale (violence, vol…).
  • Dans certaines situations, les protocoles d’accès à la substitution sont assouplis comme par exemple pour la grossesse.

Le dépannage de substitution pratiqué en CSAPA ne pourrait-il pas également trouver sa place au service des urgences, si il est pratiqué par un addictologue qui en assurera le cadre de délivrance par la suite ?

Ces situations méritent sans doutes d’être discutées au cas par cas avec nos collègues urgentistes.

Mise à jour le Lundi, 22 Avril 2013 15:50