Groupe Interalcool Rhône Alpes

réfléchit, échange, publie...

  • Augmenter la taille
  • Taille par défaut
  • Diminuer la taille

Planche - Entretien...

Imprimer PDF

"Qui a dit alcoolique ?

L’entretien individuel quelques solutions et beaucoup d'éthique"

Cécile Planche, Psychologue – Consultante en Alcoologie

 

AVANT LA RENCONTRE AVEC LE MALADE DIT ALCOOLIQUE

1er rappel : reconnaître notre fragilité psychologique commune (mini-psychogénèse de la dépendance et de la relation intersubjective).

Notre première relation au monde et à l’autre s’origine dans l’acte de boire. L’acte de boire est un comportement qui apaise la faim et la soif, phénomène vital lié à un besoin physiologique élémentaire ; et aussi un comportement de relation affective, phénomène psychologique, lié au besoin de sécurité fondamental aussi vital que la nourriture. L’enfant se nourrit de lait et aussi de communication, et de la parole qui fait lien.

Plus tard, l’enfant aura tout autant besoin de l’autorité, fondée sur l’amour et la compréhension, visant à obtenir le respect et non la peur, pour faire face aux obstacles inévitablement rencontrés dans le milieu extérieur, et aux conflits intérieurs qui en résultent.

La relation affective et l’autorité assurent le sentiment de sécurité pour vivre une relation sans angoisse avec les autres et permettent d’établir les bases de la structure psychique.

Si, à l’âge adulte, le motif de boire ou de manger n’est plus la satisfaction d’apaiser la soif ou la faim, il deviendrait la recherche d’une qualité affective et d’une autorité défaillantes.

 

La notion de dépendance psychologique est liée à la question du lien et renvoie à notre rapport au monde. Nous sommes en relation étroite avec les êtres et les choses, dépendants de notre culture, de notre famille, de nos amis, de notre contexte et de notre environnement, qui à leur tour agissent sur nous.

Si nous devenons pathologiquement dépendants de certains produits, le sucre, le café, le tabac, le chocolat, l’alcool, les médicaments ou les drogues, nous pouvons estimer qu’il y a eu certaines perturbations au cours de l’évolution de notre vie psychique et relationnelle.

Dès les premières années de la vie jusqu’à l’âge adulte, le processus de maturation psychique va de pair avec la relation affective établie avec les parents, puis les autres adultes. Les liens affectifs sont une base nécessaire pour favoriser le développement vers l’autonomie, c’est à dire apprendre à se séparer, puis à se différencier (manger, marcher, parler, sentir, penser, se comporter avec les autres, en famille, puis en société). La construction de l’identité, en partie consciente et en partie inconsciente, peut subir à chaque étape des failles, des manques, des chocs, des traumatismes, qui vont entraîner des fragilités psychologiques, engendrer des personnalités peu structurées et immatures, cependant les symptômes ou manifestations de cette immaturité se déclareront plus ou moins tardivement à l’occasion des moments critiques de la vie : adolescence, mariage, divorce, entrée dans la vie professionnelle, maladies, deuils… et les événements vont réactualiser les épreuves internes mal élaborées.

2ème rappel : les étapes du processus d’alcoolisation (normale et pathologique)

L’alcool est une substance qui a le pouvoir biochimique d’induire des relations d’accoutumance, de tolérance et de dépendance, même si l’usager n’est pas enclin à une conduite de démesure. Les excès et les abus peuvent survenir mécaniquement car l’organisme finit par avoir besoin impérativement du produit. Le sujet saura dans la majorité des cas arrêter lui-même quand il s’apercevra qu’il commence à avoir du mal à maîtriser sa consommation et que le plaisir est en train de se transformer en obligation.

L’alcoolisation excessive est un processus secondaire. C’est l’état d’esprit, la motivation le plus souvent inconsciente, qui génère la toxicomanie, et c’est en fonction de cette motivation qu’il convient d’organiser des réponses préventives, sociales ou curatives.

L’alcool est d’abord un objet de plaisir au niveau du goût et de la convivialité.
C’est un produit euphorisant qui procure une sensation de bien-être car il diminue la tension, la fatigue, le stress ou la colère. L’alcoolisation donne l’illusion de puissance, de liberté, d’harmonie avec soi-même, et permet de s’extérioriser et d’aller vers les autres.

L’alcool agit comme un médicament contre l’anxiété et la dépression

L’alcool convivial remplit cette fonction "médicament », le plus souvent à l’insu du sujet et de son entourage. Pour obtenir les mêmes effets, le sujet aura tendance à augmenter ses doses, et à tolérer de plus en plus le produit. Ce phénomène d’accoutumance est la capacité à augmenter les doses pour produire les mêmes effets. Le sujet entre dans la phase de dépendance psychologique pathologique.

A cette étape, le sujet perd le contrôle de la reprise de l’alcoolisation.

L’alcool devient comme une drogue, à partir d’un certain seuil, et selon les sujets, la dépendance physique apparaît, ou phase toxicomaniaque.

A cette étape, le sujet perd le contrôle de l’arrêt.

Au fur et à mesure arrivent les conséquences inéluctables de la maladie : régression psychologique, régression sociale, désocialisation, problèmes professionnels et judiciaires, troubles somatiques : rougeurs du visage, sueurs, tremblements, polynévrites, complications au niveau de l’estomac, du foie, de l’œsophage, neuropathie…etc…

Quand apparaît la phase du manque, le sujet va chercher à combler ce manque avec des alcoolisations répétitives. Jusqu’au moment où l’organisme se dégradant de plus en plus va devenir intolérant, période difficile pour le malade alcoolique car il dépend pour sa survie d’un produit que le corps ne supporte plus.

Au fur et à mesure des étapes du processus d’alcoolisation, les phases de sobriété vont diminuer, et les phases d’alcoolisation vont augmenter. Ceci va s’inverser dans les étapes d’abstinence décidées par le sujet. Là, il y aura encore des périodes d’alcoolisation, mais elles finiront par disparaître.

3ème rappel : les conduites addictives

Il est pertinent d’intégrer les conduites alcooliques dans le champ plus large de la psychopathologie des addictions (la toxicomanie, l’alcoolisme, les troubles du comportement alimentaire, le jeu, le tabagisme, la sexualité compulsive, les tentatives de suicide répétées, les achats compulsifs, les sports intensifs et les conduites à risque).

Le comportement alcoolique est une solution psychique à un moment de l’histoire de l’individu, ou bien révèle un trouble majeur de la personnalité. Ce n’est pas la quantité consommée d’alcool qui conduit à l’alcoolo-dépendance, c’est la fonction de l’alcoolisation.

Le comportement addictif a pour fonction de soulager un malaise intérieur, souvent dénié par le sujet. C’est un mode de défense pour lutter contre la douleur psychique. Il se caractérise par l'échec répété des tentatives de contrôle et par la persistance de ce comportement en dépit des conséquences négatives.

Les conduites addictives évoquent les drames précoces auxquels le sujet a été confronté, au cours des processus de séparation, de différenciation et d’individuation. L’ "addictif" a fait des expériences traumatisantes dans la dépendance et dans sa relation à l’autre au cours des étapes de séparation, si la parole qui met en lien et en sécurité lui a fait défaut. Et s’il n’a pas été soutenu dans ces épreuves, cependant prix d’une promotion vers l’autonomie, l’humanisation et la socialisation.

Ces drames, ces traumatismes ont laissé des angoisses et des blessures narcissiques, et ont pu favoriser une personnalité dépressive. La dépression est un symptôme qui cache des conflits intérieurs insolubles entre les pulsions, les besoins physiques, et les désirs. L’addiction comble l’écart entre besoins affectifs et désirs d’autonomie, et rend la dépression supportable.

Les conduites addictives relèvent de la pathologie déroutante des passages à l’acte. Ce qui déclenche le passage à l’acte, c’est le résultat d’un certain fonctionnement intra psychique, auquel vient faire écho un certain environnement relationnel. Les premiers objets d’amour ont été angoissants, déprimants. L’enfant, l’adolescent, puis l’adulte a mis en place des défenses essentiellement fantasmatiques dans la petite enfance, qui ont parfois entraîné des troubles du comportement. Mais les troubles du comportement contrôlables chez un enfant ou à l’adolescence ne sont plus vus de la même manière en société à l’âge adulte.

Quand l’environnement reproduit les défaillances de l’entourage de la première enfance, ou fait écho aux mêmes vécus traumatiques qui ont amené le sujet à refouler une partie de ses émotions, et à refouler les fantasmes de toute-puissance qu’il s’est inventé, ils font à nouveau violence, et ils conduisent aux scénarios des passages à l’acte. Le passage à l’acte est la seule chose qui reste au sujet pour évacuer et se défendre de l’angoisse et de la dépression. Si le passage à l’acte est réprimé, il revient, et c’est désespérant.

Une personnalité addictive induit un mode particulier de relation et de communication aux autres. L’alcoolisation, permet de se détendre, de s’extérioriser, d’aller vers les autres, et par les effets qu’elle procure donne l’illusion de satisfaire ses besoins et ses désirs, d’être en communion avec l’autre, de maîtriser les choses, cependant la consommation avide et massive de l’alcool va éluder les difficultés, et éviter la confrontation de la relation à l’autre.

Le lien avec les autres est perturbé. Ce n’est pas sa personne que le sujet engage dans ses rapports à l’autre, mais une façon particulière de traiter l’autre, et d’attendre d’être traité par l’autre. La difficulté de vivre la relation à l’autre est la difficulté ou l’impossibilité de vivre la différenciation, l’altérité, la subjectivité, pour ne pas se séparer, ne pas se manquer. Cela a pour conséquence le refus de s’aliéner dans les relations avec les autres, et entraîne ni demande, ni désir, mais une tentative toujours vaine et répétitive de relation fusionnelle. L’ivresse et l’alcoolisation excessive esquive ce manque à être à soi-même et ce manque à être aux autres.

4ème rappel : connaître les traitements

 

Le traitement physique

En quelques 8 à 15 jours, le corps est sevré et recouvre son autonomie par rapport au produit. Les protocoles de soin varient d’une institution à une autre. Ils comportent essentiellement réhydratation et vitaminothérapie.

Le traitement psychologique individuel :

nécessite de la part du sujet une certaine conscience de sa souffrance et une certaine motivation, et lui permet de faire face à sa maladie. Le but est le mieux-être. A ne pas confondre avec les moyens : gestion des alcoolisations s’il y a dépendance psychologique, gestion de l’abstinence s’il y a dépendance physique,

et comporte plusieurs étapes :

  • évaluation de la fonction de l’alcoolisation, à partir des conséquences familiales, sociales et/ou professionnelles, à partir de l’étape d’alcoolisation plus massive (étapes de vie, adolescence, mariage, arrivée d’un enfant,  divorce, etc…),
  • Orientation vers l’abstinence,
  • retrouver le plaisir physique, les sensations corporelles, le bien-être le goût de vivre et une certaine autonomie,
  • retrouver sa place dans la famille et la société,
  • acceptation de la ré-alcoolisation. Elle peut survenir à chaque étape, et fait encourir le risque de reprendre la dépendance physique en quelques jours ou en quelques mois, car les cellules du corps gardent la mémoire de l'intoxication. Cependant, au cours d'un suivi psychologique, elle donne l’occasion de repérer la difficulté non assumée, et d’approfondir la fonction des alcoolisations antérieures.

AU PREALABLE DE L’ENTRETIEN AVEC LE PATIENT

Comment réussir à échouer ?

  • Anticiper  l’impossibilité.
  • Privilégier le point de vue de l’intervenant : désir d’imposer ce qui est bien, désir de diagnostic, de normalité et désir de guérison.
  • Privilégier l’objectif institutionnel : insertion, travail, logement, cure et guérison.
  • Prêter peu d’attention à la motivation du patient.
  • Quand cela ne marche pas, faire plus de la même chose.

Quels sont les antidotes de l’échec ?

  • penser que le changement est inévitable.
  • admettre que certains facteurs d’amélioration sont liés à des facteurs extra-thérapeutiques.
  • penser à la contribution du patient vers le changement.
  • orienter le changement vers le futur : l’attention est portée vers une solution, pour ce patient-là, dans sa façon de penser les choses et dans son contexte.
  • si cela ne marche pas, ne pas recommencer, faire quelque chose de différent, et lorsque cela marche, en faire plus.

 

Comment créer une "alliance thérapeutique" ?

  • plus le patient participe, meilleur est le résultat.
  • l’empathie doit être reçue (et non envoyée) et la collaboration doit être mutuelle en s’ajustant à la motivation et aux buts du patient.

Comment s’ajuster à la théorie du patient et à sa définition de ce qu’est une relation thérapeutique ?

  • il connaît son problème et son objectif : (15 %) le patient est capable d’identifier un problème et son objectif. Il est prêt à agir et croit qu’il essaie quelque chose qui va marcher.

  • il se plaint : (65 %) le patient définit ses difficultés de façon douloureuse, ne pense pas que son comportement a une influence "c’est la chimie de mon cerveau, que dois-je faire ? quel conseil vous me donnez ?"
  • il visite : (20 %) "Je n’ai pas de problème, ma femme dit que j’ai un problème, mon Assistante Sociale, mon Médecin" Il n’a pas d’objectif. Je lui explique mon travail, je lui décris, je décris l’équipe, etc….

ETAPES DE L’ENTRETIEN : QUELQUES SOLUTIONS

  • attendre l’invitation du patient au dialogue, et ne pas entrer en conflit.

Repérer l’idée que le patient a de la relation (voir plus haut, connaît son problème, se plaint, ou visite), autrement dit, identifier ce qu’il attend de moi et lui dire en quoi je peux l’aider.

Explorer l’étape où il en est avec son problème de dépendance (voir processus d’alcoolisation) avec des questions simples pour introduire une idée sans la prescrire, par exemple :

  • quel moment de la journée vous vous alcoolisez ? Au travail ? À la maison ?
  • quel moment de la semaine ? Le week-end ?
  • quel moment vous pensez qu’il sera utile pour vous de réfléchir sur votre rapport à l’alcool ?

Pensez-vous…

-     Que vous prenez de l’alcool comme un médicament ? Dépendance psychologique.

-     Quand vous commencez à vous alcooliser, est-ce que tous les autres verres suivent ? Dépendance psychologique.

-     Que vous êtes dépendant physiquement ? dépendance physique.

-     Que vous nécessitez d’une hospitalisation ? dépendance physique.

À quel moment vous pensez qu’il sera utile pour vous d’arrêter l’alcoolisation ?

À quel moment vous pensez qu’il sera utile pour vous d’être hospitalisé ?

Quelles sont les difficultés qui vous entraînent à vous alcooliser ? Quelles situations ? Quels autres ?

Définir

Les exceptions au problème, délibérées, ou dues au hasard : à quel moment vous ne vous alcoolisez pas ? Ce qu’il veut changer : que voulez-vous changer ? Ses buts : quels sont vos objectifs ?

Approuver et valoriser ce qu’il a déjà fait de bien pour lui-même : ses ressources, ses compétences.

Remarquer

- Quand il ne s’alcoolise pas.

- Quand s’alcooliser n’est pas un problème.

Saisir sa théorie du changement sur la cause des problèmes et leurs résolutions, par exemple :

- comment le changement intervient habituellement dans votre vie ?  Quels rôles les autres jouent ? Quelle est la séquence avant, pendant, après le changement ? C’est cela que vous voulez ? Cela vous est déjà arrivé ?

Créer une image vivante et créative pour aller en direction de son but et de ses objectifs, c'est-à-dire orienter du présent vers l’avenir, par exemple : décrivez votre pays ou paysage avec l’alcool et votre pays ou paysage sans l’alcool, quand voulez-vous passer la frontière ?

Pour terminer l’entretien, l’aider à se donner une tâche avant le prochain rendez-vous en se proposant des actions concrètes, par exemple :

-     programmer la gestion des alcoolisations ou de l’abstinence,

-     établir un contrat d’une semaine à un mois et ajuster au fur et à mesure si nécessaire,

-     rechercher les solutions en commun : aide, insertion, visée de soin clairement et mutuellement explicites et acceptés,

c'est-à-dire définir les moyens pour remplir le contrat : physique, psychologique, relationnel, médical…

Au fur et à mesure de l’entretien, on va avancer ou reculer le processus, surtout sortir de la tentation d’aller au but.

APRES L’ENTRETIEN

Noter

- ce que le patient a dit, ce que je lui ai dit, ce que j’ai observé,

- mes réactions intérieures, mes réactions manifestes,

- ce que je pense, mes hypothèses, ce que j’oriente pour l’entretien suivant.

AU COURS DU SUIVI

- évaluer le maintien ou non du contrat ou en proposer un autre plus accessible,

- soutenir les décisions de protection de lui-même et des autres.

TECHNIQUES D’ENTRETIEN

- accepter la plainte du patient au pied de la lettre,

- choisir l’option thérapeutique la plus simple et la plus respectueuse du patient,

- parler son langage, utiliser plusieurs attitudes, techniques et modes de langage, selon.

Mode non directif :

-     se synchroniser (attitude, respiration, ton, vision du monde)

Ecouter, valider, être d’accord avec la subjectivité du patient : il doit savoir qu’on l’écoute, par exemple :

- repérer ses expressions : je pense, je sens, je suis capable et utiliser dans les réponses son langage et sa vision du monde,

- poser des questions ouvertes,

- relancer la parole,

- connoter positivement,

- reformuler en écho ou sur un autre point de vue, ou en résumé, ou en clarification.

Mode directif :

- définir le cadre de travail, informer, proposer un contrat et les échéances du contrat,

- définir la relation,

- recadrer, voire conseiller (à mon avis…),

- construire des métaphores,

- prescrire des tâches, mieux, prescrire sa prescription.

La parole est donnée aux participants : échanges, commentaires, réponses aux questions, évocations de situations, etc…

ET BEAUCOUP D’ETHIQUE…

Les mots-clés de l’intervenant : attention, bienveillance, et fermeté, voire autorité, seront nécessaires pour établir un climat de confiance et de sécurité pour que la pensée et la parole puissent émerger

Le but de l’entretien n’est pas de pas vouloir le bien du patient mais ce qui est bon pour lui.  Ce qui est bon pour lui c’est à lui de le trouver. Nous devons l’accompagner à construire un contenu c’est le patient qui doit mettre le contenu.

Evaluer sa demande ou sa démarche et définir ses problèmes avec lui en intégrant la question de l’alcoolisation, et de l’orienter vers ses solutions.

Ensuite chercher ses motivations par rapport à sa vie familiale, sociale, professionnelle éventuellement en motivation de soin.

Penser à faire appel à sa responsabilité morale et éventuellement à sa responsabilité civile.

Tenir compte du contexte de ses relations familiales, sociales, professionnelles et avec les soignants. Il est important de solliciter le sens des responsabilités de chacun, lui-même, familles et soignants, d’intégrer la notion de durée, et la notion de réseau de soins, et de le responsabiliser lui-même dans sa relation avec tous ces autres.

Quand plusieurs professionnels ou plusieurs personnes de l’entourage sont impliqués, avec des objectifs différents, admettre le point de vue de chaque personne, aider le patient à écouter le point de vue de chacun et l’accompagner à forger son point de vue personnel.

Pour le médecin, le médicament est un support pour établir et maintenir une relation voire un contrat relationnel. Mais si le médicament vient se substituer à l’addiction, la rencontre sera ratée.

L’approche sociale répond à une demande matérielle. Une demande matérielle doit être comprise aussi comme une demande de relation. Elle peut être donnée ou refusée, il est important de reconnaître le fait que c’est une demande de relation.

Chaque professionnel doit contribuer à construire quelque chose de fédérateur, savoir mettre des liens et qualifier les relations, et proposer éventuellement au patient d’aller voir aussi du côté où il n’est pas compétent dans son propre champ professionnel. Face au patient : "ce que vous me dites là, c’est du ressort du juge, du médecin, du psychologue, du travailleur social, je ne peux le traiter ici. Voilà ce que moi, psychologue, médecin, infirmier, juge, ou travailleur social… je peux travailler avec vous".

Il est indispensable de bien connaître son propre cadre professionnel et ses limites  et le cadre et les limites des autres professionnels. Chacun doit travailler avec son cadre et son éthique, et doit tenir compte de ce contexte pour ne pas entrer dans un jeu pervers où tout le monde est disqualifié.

Dans ma famille on disait : "Chacun son métier et les vaches seront bien gardées"

Sortir définitivement du terrorisme du diagnostic, de la volonté, de la normalité, et de la dictature de la guérison

L’objectif d’un entretien, c’est l’objectif d’une rencontre, c'est-à-dire, se mettre en relation avec un patient pour créer et maintenir un lien.

  • Ouvrir la porte à un dialogue,
  • Offrir un lien en dehors de toute culpabilité et toute angoisse,
  • Offrir de la liberté de pensée et de la liberté d’agir,
  • Adoucir la souffrance, introduire de l’humain. La vraie humanité, c’est le souci de rencontrer le sujet là où il est, dans son histoire, dans sa temporalité. Nous devons lui donner ou redonner une bonne image de soi, une identité hors du traumatisme, et non en faire un objet de soin.

La notion de guérison est un piège et un fantasme. Il n’y a aucun geste pour soigner les blessures morales et psychiques. Le social et le médical, c’est de la technique, un moyen au service du patient, s’il le souhaite, mais pas un but.

Notre seul pouvoir est de donner ou de re-donner du pouvoir au patient, de l’aider à connaître son propre désir au-delà de ses contradictions, de l’aider à orienter sa vie ou lieu de la subir, et d’assumer la responsabilité de ses actes avec plus de conscience.

Nous ne devons pas renoncer quand les expériences isolées négatives s’accumulent. Ce qui est important c’est ce que nous allons construire avec lui et ensemble Et nous tenterons de construire avec lui quelque chose qui permettra peut-être de le faire accéder à ses choix de vie, peut-être sans l’alcool.

Et… n’oublions pas que le symptôme est un moyen de vivre, c‘est la grandeur et la misère de notre singularité et de notre humanité communes.

___________________________

Bibliographie :

Françoise Dolto, L’image inconsciente du corps, Le Seuil, 1984

Insoo Kim Berg et S.Miller, Alcool, une approche centrée sur la solution, Satas

Patrick Declerck, Les Naufragés, avec les clochards de Paris, Plon,  "Terre Humaine", 2001

 

Cécile Planche, Psychologue Clinicienne 5 place Croix-Pâquet 69001 Lyon

Tél. 0478274349    www.cecileplanche-psychologue-lyon.com

Mise à jour le Mercredi, 22 Juin 2011 09:33