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Pardini - sexualité ...

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SEXUALITE AU REGARD DE L’ALCOOLOGIE

 

Approches pratiques : en Institution, en CHRS

PRESENTATION DE L’INSTITUTION - Josy PARDINI, éducatrice au Foyer Le cap

3 juin 2005

TROIS SITES : deux foyers d’hébergement. Un service de suite

Mission :

La mission du CAP/AJD est d’accueillir des femmes majeures seules, en situation d’exclusion pour des raisons psychologiques, familiales, sociales et financières.

L’accompagnement en CHRS doit permettre aux résidentes d’éviter les conduites répétitives d’échecs, de retrouver un équilibre afin d’accéder à une autonomie adaptée a la capacité de chacune.

Historique :

195O - 1967

Le CAP a été crée par une visiteuse de prison, ancienne novice du Cénacle. En 1950, elle crée un lieu d’accueil dans les locaux de l’église Ste Bonaventure. Elle accueille gratuitement quatre femmes qui sortent de prison et qui se retrouvent à la rue.

1956 :Le centre est habilité.

1965 :Une maison située 45 montée de Choulans à Lyon est achetée.

1965 à 1968 : l’accueil se fait dans cette maison par des bénévoles.

1968 à 1979 : l’association s’agrandit et l’équipe se professionnalise.

1972 : Agrandissement du centre par l’acquisition d’une deuxième maison située au 51 montée de Choulans.

1975 : une directrice est nommée.

1979 : crise institutionnelle. Les demandes augmentent et se font parfois en urgence. La population est diversifiée. Celles qui partent ne trouvent pas forcément des solutions et elles reviennent souvent au CHRS pour solliciter à nouveau de l’aide.

198O : suite à cette situation de crise, création du Service de Suite pour accompagner les personnes qui sortent du CHRS.

1988 : Le service de suite est habilité pour accompagner les personnes envoyées par d’autres services.

2OO4 : Rattachement aux AJD en vue de créer une Fondation.


CADRE ETHIQUE DU CAP/AJD

Origine religieuse.

Valeurs humanistes.


CINQ PRINCIPES

Protection et dignité.

Respect de la personne dans son intégrité et sa vie privée.

Respect de la personne dans sa singularité et ses différences.

Croyance en l’évolution de la personne en fonction de ses capacités et potentialités.

 

RESPECT DES DROITS DES USAGERS

Protocole d’admission et de départ.

Contrat de séjour.

Projet individualisé.

Fonctionnement et Règlement.

Conseil de vie sociale.

 

PUBLIC ACCUEILLI

Femmes en ruptures sociales et économiques.

Femmes en ruptures familiales et ou conjugales.

Femmes sortantes d’hôpitaux généraux et spécialisés.

Femmes sortantes de prison.

Femmes en errance.

Femmes en danger de prostitution ou ayant connu la prostitution.

Femmes avec des problèmes de dépendance.

 

PERSONNEL

3 équipes pluridisciplinaires.

1 directeur.

1 chef de service.

1 secrétaire comptable.

2 personnes (cuisine intendance).

1 équipe de nuit.

1 psychologue.

1 homme d’entretien

 

PRESTATIONS

Accueil – Hébergement – Restauration.

Protection – Sécurité.

Mise à jour du dossier administratif.

Aide à la gestion du budget.

Accompagnement aux soins.

Soutien du projet individualisé (travail, formation, culture etc…).

Faciliter l’inscription dans le tissu social.

Permettre d’entretenir ou de recréer des liens.

Faciliter la réflexion des conduites répétitives d’échecs.

Préparer la sortie : appartements autonomes, autres structures.

 

MOYENS

Ecoute.

Analyse des problématiques individuels.

Travail en réseau.

Entretien individuel hebdomadaire avec 2 référents : aide à l’expression, à la verbalisation, reconstruction de l’histoire individuelle et familiale, moment de reconnaissance et valorisation.

Vie de groupe thérapeutique.

Réunions.

Analyse de la pratique.

Formations internes et externes.

 

ALCOOLO-DEPENDANCE ET SEXUALITE EN CHRS - Josy PARDINI, éducatrice au Foyer Le cap

La sexualité est une composante essentielle de la structuration du sujet et de la vie en société. La sexualité participe au LIEN SOCIAL.

Dans les institutions sociales de Type CHRS, il est important de rappeler qu’elles ont presque toutes une origine religieuse. La sexualité a donc longtemps été un tabou, préférant NE RIEN VOIR, NE RIEN SAVOIR.

Ce tabou évolue peu à peu.

Parler de sexualité en institution comme au CAP, c’est surtout parler du MANQUE, de L’ABSENCE, de la PERTE, de la SOUFFRANCE, de la SOLITUDE.

Ecouter, parler de sexualité nous ramène à notre propre sexualité qui se situe dans le champ de l’intime.

Ecouter parler de sexualité au CAP, c’est souvent en effet entendre :

  • LE MANQUE

  • L’ABSENCE

  • LA PERTE

  • LA SOUFFRANCE

  • LA SOLITUDE

  • LA VIOLENCE

  • L’ALCOOL

  • LA SOUMISSION

  • LE VIDE

Les résidentes parlent entre elles de leur sexualité d’une façon crue, vulgaire, ironique, en mettant souvent à mal l’autre sexe.

En entretiens, toutes n’abordent pas ce sujet. Celles qui peuvent et ou veulent l’aborder le font souvent par un constat négatif :

  • attouchements sexuels, viols

  • commerce temporaire pour manger et pour dormir

  • vengeance contre les hommes en général, et en particulier contre le père, le frère, le mari.

  • Parler d’une sexualité réelle ou imaginaire pour être comme les autres, pour se sentir normales, pour être admises, pour être reconnues.

Pour beaucoup de femmes alcoolo-dépendantes en CHRS, elles expriment leur sexualité par des phrases que l’on entend souvent :

  • je ne me sens plus une femme.

  • je n’ai plus de désir.

  • je n’ai plus de plaisir.

  • j’ai trop souffert pour recommencer.

  • je préfère rester seule.

  • je suis trop vieille.

  • je n‘y crois plus.

  • je ne plais plus aux hommes, les hommes ne me regardent plus.

  • une sexualité réussie ça n’existe que dans les films.

  • les hommes c’est tous des……, ils profitent de nous.

La plupart de ces femmes ont pratiquement toutes connu dans leur enfance, dans leur adolescence, puis dans leur vie d’adulte des exemples de sexualité négative, violente et des comportements sexuels de la part de leur père, frère, puis conjoint déviants parfois, en tout cas non épanouissants.

Quant à celles qui veulent bien parler de leur sexualité présente, celles qui ont ou des amis, elles se positionnent souvent non comme des sujets, mais comme des « objets » et on entend à nouveau les mêmes phrases :

  • je n’ai plus de désir mais je fais semblant pour lui faire plaisir.

  • je n’ai pas de plaisir mais c’est lui qui veut, moi ça ne m’intéresse pas.

  • je fais semblant pour être tranquille.

  • si je refuse, il va me laisser tomber.

Cette sexualité à laquelle elles se soumettent est utilisée pour :

  • pour se sentir encore femme.

  • pour être comme les autres.

  • pour se sentir normale.

  • pour être admise dans le groupe.

  • pour ne pas être rejetée.

  • pour être aimée.

  • pour être reconnue.

En un mot, pour EXISTER.

La sexualité peut s’exprimer aussi de façon non verbale :

  • tenue négligée (vêtements coiffure, hygiène) façon de tenir à l’écart la gente masculine.

  • Incapacité à se projeter dans l’avenir : elles n’arrivent à s’imaginer vivre seule ou avec un compagnon.

  • Incapacité à faire des projets : ni au niveau professionnel, ni au niveau personnel ; elles vivent au jour le jour. Leurs expériences de couple précédentes sont souvent des échecs à répétition.

  • Difficultés à préparer leurs sorties du foyer : elles n’en parlent jamais comme si elles étaient ici dans un séjour sans fin, comme si une vie après le foyer était ressentie comme dangereuse.

Elles adoptent avec les autres résidentes les mêmes comportements relationnels de soumission qu’avec leurs conjoints passés ou présents : incapacité à dire non, incapacité à refuser un invitation, incapacité à dire qu’elles ne sont pas d’accord….

Elles expriment aussi « leur sexualité ou leur manque de sexualité » par des excitations, des plaisanteries vulgaires, des gestes déplacés (se toucher les fesses, les seins).

Ces femmes en difficultés, exclues, dépendantes de l’alcool trouvent souvent mieux que les hommes des solutions pour cacher leurs galères, et, dans les solutions qu’elles trouvent, la sexualité a une place importante : accepter une relation sexuelle pour boire, pour manger, pour être hébergée, pour être protégée….

Cette forme de « sexualité acceptée » est souvent pour elles la seule façon qu’elles ont pour trouver pour EXISTER, pour être AIMER, pour être RECONNUES, pour être ACCEPTEES.

Elles acceptent « cette sexualité » comme elles ont accepté et ou comme elles acceptent la violence de leurs conjoints, comme elles ont accepté ou acceptent encore l’alcoolisation de leurs conjoints, ou amis.

Pour elles, une sexualité épanouissante, heureuse n’existe que dans les films, les feuilletons, les revues dont elles sont très friandes.

CONCLUSION

Ces femmes alcoolo-dépendantes passent leurs vies à dissimuler leurs vies sexuelles ou l’absence de vie sexuelle, leur dépendance, la violence qu’elles subissent.

Elles font comme si…Comme si elles n’étaient pas dépendantes, comme si elles assumaient leur sexualité !

Plus le temps passe et plus elles acceptent ces situations qui deviennent le lot quotidien de leur vie. Ce n’est parfois qu’en acceptant d’en parler durant leur séjour au CAP, qu‘elles arrivent parfois à en prendre conscience, à imaginer qu’elles pourraient faire autrement, qu’elles pourraient vivre autrement.

Le CAP/AJD n’est pas un lieu de soin, mais c’est un lieu qui soigne.

Mise à jour le Samedi, 16 Juillet 2011 13:25